lundi 23 mai 2011

Frontières de 1967: Obama "précise" et signe

Après avoir provoqué les foudres d'Israël en appelant à la création d'un Etat palestinien sur base des frontières de 1967, Barack Obama a modéré son discours dimanche devant les représentants du lobby juif américain sans pour autant changer de position.

Réunis pour leur conférence annuelle au Convention Center de Washington, les membres de l'AIPAC (American Israël Public Affairs Committee) - qui s'identifie comme l'un des plus gros groupes de pression pro-israéliens des Etats-Unis avec 100 000 adhérents - attendaient le Président américain avec colère et interrogation. Son discours de jeudi dernier sur le Moyen-Orient a en effet ébranlé Israël et toute la communauté juive américaine.

Obama avait alors appelé Israël à rechercher un accord de paix avec les Palestiniens et défendu la création d'un Etat palestinien sur base des frontières qui étaient en place avant la guerre israélo-arabe de juin 1967 (Guerre des Six Jours). Une telle ligne de démarcation impliquerait que tous les territoires conquis par Israël depuis - la Bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est, le Sinaï égyptien  et le plateau syrien du Golan - fassent partie du futur Etat.

Une position audacieuse dans la bouche d'un président américain, qui a suscité la fureur du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Lors de sa venue à Washington vendredi, ce dernier s'est entretenu avec Obama durant plus de deux heures, qualifiant d'"irréalistes" ses propos, rappelant que la paix ne peut s'édifier sur "des illusions" et rejetant sa demande au motif que les frontières de 1967 sont "indéfendables" et ne prennent pas "en compte certains changements qui ont eu lieu sur le terrain depuis 44 ans, notamment démographiques".

Carte de l'apaisement

Face aux rumeurs de crise diplomatique entre les deux pays, Netanyahu a par la suite démenti tout incident, se disant "déterminé à travailler avec Barack Obama pour trouver le moyen de relancer les négociations de paix". De son côté, le Président américain a joué la carte de l'apaisement lors de son discours devant l'AIPAC dimanche. Il a précisé qu'il s'attendait à ce que le futur accord conclu entre les deux parties inclue des échanges de territoires pour prendre en compte "les nouvelles réalités démographiques sur le terrain" et insisté sur le fait qu'Israël devait pouvoir conserver certaines colonies juives construites sur des territoires occupés. 

"Ma position signifie que les parties elles-mêmes, les Israéliens et les Palestiniens, vont négocier une frontière différente de celle qui existait le 4 juin 1967", a expliqué Obama. Et d'ajouter que "même si parfois nous ne sommes pas d'accord, comme cela arrive parfois entre amis, les relations entre les Etats-Unis et Israël sont inébranlables et l'engagement des Etats-Unis concernant la sécurité d'Israël est inflexible".

La paix est donc revenue au sein du foyer israélo-américain, du moins temporairement car Obama n'a sur le fond pas changé de position. Selon des officiels américains, le Président tient à profiter du vent d’espoir qui souffle sur le Moyen-Orient suite au Printemps Arabe pour régler un conflit qui empoisonne toute la région. Si le chef de l'Etat sait que les lignes de démarcations de 1967 ne seront probablement jamais rétablies, il a choisi de prendre les Israéliens par surprise et de relancer les négociations en prenant comme point de départ la question des frontières plutôt que les deux éternels sujets sensibles que sont Jérusalem et le retour des réfugiés palestiniens.

Perte du soutien de l'électorat juif?

Obama prend par ailleurs un risque en appelant Israël à négocier avec les leaders palestiniens qui incluent désormais le Hamas, toujours considéré par de nombreux Etats comme une organisation terroriste. Cela pourrait lui coûter le soutien d'une partie de l'électorat pro-israélien à un an et demi des élections présidentielles américaines. Certaines figures de la communauté juive ont déjà annoncé qu'elles retireraient leurs "vote et financements" à Obama, à l'instar de l'ex-maire de New York Ed Koch ou du promoteur immobilier milliardaire Mortimer Zuckerman qui possède le New York Daily News. En 2008, 78% des Juifs américains avaient soutenu Obama.

Du côté du Congrès, certains républicains ont sauté sur l'occasion pour lancer haut et fort qu'Obama trahissait Israël, le plus proche allié des Etats-Unis dans la région. Le sénateur Orrin G. Hatch (Utah) devrait introduire à la Chambre haute cette semaine un projet de résolution désapprouvant la "nouvelle politique du Président envers Israël".

mardi 17 mai 2011

Les employés du FMI sous le choc

Le Washington Post publie dans son édition de mardi les réactions de "staffers" du Fonds Monétaire International qui travaillaient jusqu'à la semaine dernière encore avec DSK et sont aujourd'hui médusés par ce qui arrive à leur patron.

Colère, tristesse, embarras, les états d'esprit varient dans les couloirs de l'institution internationale située sur la Pennsylvania Avenue, au cœur de Washington et à deux pas de la Maison Blanche. Mais pour tous, un sentiment domine: le choc d'avoir vu lundi, sur toutes les chaînes de télévision du pays, leur Directeur Général - homme apprécié et respecté dans la maison - menotté, les traits défaits, la barbe mal rasée et risquant jusqu'à 20 ans de prison pour agression sexuelle, tentative de viol et séquestration.

"Il est fini, personne ne pense qu'il va revenir. Les gens sont juste choqués ici", commente un économiste du FMI. Un autre collègue raconte: "C'est déchirant. Cet homme a vraiment fait beaucoup pour l'institution". Ce dernier regrette toutefois que le FMI se retrouve aujourd'hui exposé de la sorte dans les médias aux côtés des mots "viol", "fellation" ou "prison": "On ne peut pas y échapper, nos voisins regardent les informations et en parlent, nos enfants vont à l'école et entendent parler de cette affaire, etc."


Première comparution de DSK devant la justice new-yorkaise lundi

Certaines personnes au sein du FMI ne restent qu'à demi étonnées de cette nouvelle affaire. Plusieurs collègues n'ont en effet jamais véritablement pardonné à l'ancien ministre français de l'Economie d'avoir entretenu en 2008 une relation controversée avec l'une de ses subordonnées et d'avoir exercé sur elle des pressions. Et ce, même s'ils estiment que Strauss-Kahn est un "économiste très brillant" et "un bon patron du FMI". A l'époque, DSK avait présenté ses excuses et le conseil d'administration du FMI avait simplement conclu à une "grave erreur de jugement" de sa part.

La plupart des officiels et employés du Fonds pensaient que cette histoire avait donné une bonne leçon au patron du FMI et l'avait convaincu d'éviter de nouvelles erreurs pour conserver son poste. Le boomerang revient aujourd'hui de plein fouet dans la tête de l'institution multilatérale qui commence à sentir la pression peser sur ses épaules. La ministre autrichienne des Finances a d'ailleurs été la première, mardi, à inciter Strauss-Kahn à démissionner pour éviter d'écorner l'image du Fonds.

L'Alcatraz de la Côte Est

DSK, qui s'est vu refuser lundi par la juge new-yorkaise Melissa Jackson une sortie de prison sous caution, reste pour l'heure incarcéré à Rikers Island, le célèbre centre pénitentiaire de New York situé sur une ile de l'East River entre le Queens et le Bronx. Cet énorme établissement de 14 000 prisonniers, qui fait souvent la Une des journaux pour des affaires de viols, de meurtres ou de traitements abusifs par les gardiens, est surnommé "L'Alcatraz de la Côte Est". DSK a toutefois bénéficié, en raison de sa célébrité, d'une cellule individuelle pour le protéger des gangs et autres détenus. Mais comme tout prisonnier, il n'a droit qu’à une heure de promenade par jour, sans accès au téléphone, à Internet ni aux journaux.

dimanche 15 mai 2011

DSK, triste vedette de la presse américaine

Entre commentaires prudents et lynchages en règle, la presse américaine a titré tout le week-end sur l’interpellation de Dominique Strauss-Kahn  samedi soir à New York et son  inculpation pour "acte sexuel criminel, tentative de viol, séquestration illégale".

Les médias n'en finissaient plus, dimanche, de décrire la fameuse scène de l'hôtel Sofitel situé sur la 44ème rue Ouest au cœur de Manhattan. Le New York Post, tabloïd conservateur et populiste dans les mains du magnat Rupert Murdoch, qui a révélé l'affaire en premier dans la nuit de samedi, est revenu avec moult détails sur la sortie de la salle de bain du Directeur du Fonds Monétaire International et l'agression (présumée) de la femme de chambre. Plus sobre, le prestigieux New York Times a mis l'accent sur le fait que l'arrestation de DSK "plongeait la classe politique française dans le désarroi". Ce dernier faisait en effet figure, jusqu'à samedi encore, de favori du parti socialiste pour les présidentielles de 2012.

Le tabloïd Daily News, connu pour ses formules chocs et ses titres tapageurs, n'a de son côté pas lésiné sur les moyens, placardant en Une "Le Perv" (le pervers) et reprenant une photo de DSK de profil se léchant les babines. Le Wall Street Journal a quant à lui préféré expliquer à ses lecteurs que le directeur général adjoint du Fonds Monétaire International, John Lipsky, allait exercer temporairement les fonctions de Strauss-Kahn. Lipsky devait d'ailleurs présider dimanche soir à Washington un conseil d'administration informel dédié à cette deuxième affaire DSK.


La Une du Daily News dimanche, tabloïd tirant à plus de 700 000 exemplaires

En 2008 déjà, les 24 membres du conseil d'administration avaient dû se prononcer sur le comportement de leur tout nouveau patron - ce dernier ayant eu une relation avec l'une de ses subordonnées. L'enquête n'avait finalement entraîné aucune suite. A présent, vu la gravité des chefs d'inculpation, le FMI pourrait décider de mettre un terme aux fonctions de Dominique Strauss-Kahn même si l'homme y est apprécié et son travail respecté.

DSK risque jusqu'à 20 ans de prison

Les chaînes de télévision américaines ont aussi largement couvert dans leurs éditions de dimanche l'inculpation du patron du FMI. La plupart avaient même détaché des correspondants devant le Sofitel, pour montrer que cet hôtel luxueux était devenu "une scène de crime", ou encore devant le tribunal pénal de Manhattan où l'ex-ministre français de l'Economie devait être entendu dimanche soir. Aux Etats-Unis, la vie privée des politiques est considérée comme du domaine public et les affaires de divorce, sexe ou tromperie - qui font systématiquement les choux gras des médias - peuvent aisément entraîner la chute de certains d'entre eux. En France, la presse a tendance à ignorer davantage la vie personnelle des hommes publics.

Sauf que cette fois-ci, l'affaire dépasse de loin le domaine du privé et si les graves accusations qui pèsent sur DSK sont prouvées, ce dernier risque jusqu'à 20 ans de prison. S'il persiste à plaider non coupable, Strauss-Kahn devra défendre sa cause lors d'un procès qui ne s'ouvrira que dans plusieurs mois. Cela l'empêchera techniquement de rentrer en France pour déposer sa candidature pour les primaires socialistes - à supposer qu'il y songe encore.

vendredi 13 mai 2011

Le Congrès met en garde l'UE sur les transferts de données aériennes

Le Congrès américain vient de lancer les premières salves de ce qui ressemble à un ultimatum à destination de l'Union européenne, pour la forcer à ne poser aucune restriction à l'accord sur le partage des données des passagers aériens. Une méthode par la force qui ne devrait guère être appréciée de l'autre côté de l'Atlantique. 

La commission sur la sécurité intérieure du Sénat américain a voté à l'unanimité, ce mercredi, une résolution plus que corsée urgeant les pays européens à respecter leurs engagements pris en 2007 dans le cadre de l'accord PNR (Passenger Name Record). Le texte, qui fait l'objet d'un complet accord bipartisan, presse ainsi le gouvernement fédéral de "rejeter tout effort de l'Union européenne visant à modifier les mécanismes actuels de partages des données" si ces changements contribuent à "dégrader" les techniques d'identification des terroristes et autres criminels dangereux.

Il recommande en outre au Ministère de l'Intérieur américain de n'accepter aucun accord susceptible "d'imposer des structures de contrôles européens sur les Etats-Unis" (en clair: aucune réciprocité dans les échanges d'informations) et met en garde contre toute tentative de l'UE "d'interférer dans la coopération antiterroriste et les partages de données entre les Etats-Unis et les pays non-européens". La résolution rappelle enfin que l'outil PNR est un "élément crucial pour la sécurité nationale" des Etats-Unis, ayant déjà fait ses preuves puisqu'il a servi à identifier et arrêter Faisal Shahzad, auteur de l'attentat manqué de Times Square en 2010, ou encore David Headley, qui a reconnu avoir pris part aux attentats de Mumbaï en 2008.

L'UE en plein réexamen de l'accord PNR

Ce texte, déposé par le président de la commission en question Joseph Lieberman (indépendant/Connecticut) et par Susan Collins (républicaine/Maine), sera adopté sous peu par la plénière du Sénat. Selon Lieberman, la numéro deux du Ministère de l'Intérieur américain, Jane Holl Lute, défendrait la même position. La commission sur la sécurité intérieure de la Chambre des représentants devrait, quant à elle, examiner un projet de résolution à peu près similaire dans les prochains mois.

Cette offensive intervient alors que les Etats-Unis redoublent de vigilance depuis l'élimination d'Oussama Ben Laden et que l'UE est en train de réévaluer les termes de l'accord PNR pour répondre aux inquiétudes soulevées par le Parlement européen en matière de protection des données personnelles. Le PNR inclut en effet la mise à disposition des autorités américaines de toute une série d'informations privées comme les noms, civilités, dates de naissance, pays de résidence, contacts des passagers des vols transatlantiques, ou encore les dates, itinéraires de voyage et moyens de paiement des billets ainsi des points plus sensibles sur la santé ou l'origine ethnique. Ces données sont délivrées 72 heures avant le départ des avions et sont ensuite stockées pendant plusieurs années sans que l'on sache vraiment ce qu'elles deviennent.

Si ces projets de résolutions du Congrès ne sont pas juridiquement contraignants, ils n'en constituent pas moins un signal politique fort vers l'Europe - d'autant plus qu'ils proviennent des deux chambres parlementaires et font l'objet d'un accord bipartisan. La réaction de l'UE ne devrait pas se faire attendre. Le Parlement européen, qui était censé donner son aval à l'accord PNR en juillet, pourrait décider de repousser son vote pour ne pas se faire forcer la main par Washington.

mercredi 11 mai 2011

Opération séduction du vote latino

Barack Obama a lancé, mardi au Texas, une véritable opération séduction de l'électorat latino en remettant sur le devant de la scène le débat controversé sur la réforme de l'immigration illégale.

Sous le soleil de plomb d'El Paso, à la frontière mexicaine, le chef de l'Etat a prononcé l'un de ses premiers réels discours de campagne devant un parterre visiblement en sa faveur. Sans annoncer de nouveautés en termes législatifs, Obama a prôné la réforme en profondeur du système d'immigration illégale et la mise en place d'un débat civil sur ce sujet sensible que ses prédécesseurs ont toujours évité. 

Barack Obama mardi à El Paso
(White House Photo par Pete Souza)
Le but de l'exercice consistait avant tout pour le Président à reconquérir le soutien des Hispaniques qui l'accusent d'avoir fait grimper le nombre d'expulsions d'immigrants illégaux à 400 000 par an (plus que sous l'ère Bush) et d'avoir renforcé les contrôles aux frontières sans ouvrir la voie à la citoyenneté pour les 11 millions de sans-papiers du pays - largement issus d'Amérique latine. Depuis l'élection d'Obama en 2008, des millions de dollars ont en effet été dépensés dans l'achat de matériel spécialisé visant à renforcer la sécurité aux frontières tandis que les patrouilles sur le terrain ont doublé depuis 2004 pour atteindre le chiffre de 20 000. Mais le Président a expliqué, mardi, que toutes ces mesures avaient contribué à diviser par deux les tentatives de passage illégal sur le sol américain et à réduire le trafic d'armes et de drogue du Texas à la Californie.

Réparer un système brisé

Rappelant tous les bénéfices de l'immigration pour la compétitivité américaine, Barack Obama a ajouté que des progrès restaient à accomplir pour améliorer un "système brisé". Il souhaite ainsi lutter davantage contre les entreprises qui exploitent les immigrants illégaux, aider les fermiers à employer légalement des travailleurs, réunir les familles d'immigrés qui respectent les règles plutôt que les séparer, ou encore "ne pas punir les jeunes pour les actions de leurs parents". Sur ce point, le chef de l'Etat compte "se battre" pour faire adopter au Congrès le DREAM Act, bloqué fin 2010 par les sénateurs républicains, qui permet aux enfants d'immigrés illégaux d'entrer dans l'armée ou de poursuivre leurs études.

Tout au long de son discours, le Président a reproché à ses adversaires républicains de réclamer toujours plus de sécurité aux frontières alors qu'il estime être allé plus loin que Bush en la matière: "Ils vont dire à présent que nous avons besoin d'une fosse, ou d'alligators dans la fosse. Ils ne seront jamais satisfaits!". Obama a également répondu aux critiques venues de sa gauche qui lui demandent d'utiliser son pouvoir de Président pour stopper certaines expulsions: "Je ne peux tout simplement pas outrepasser le Congrès et changer la loi moi-même. Ce n'est pas comme ça que marche la démocratie".

Des républicains peu prêts au compromis

La solution reste donc à ses yeux de décrocher un accord bipartisan permettant d'adopter des mesures alliant sécurité aux frontières et assimilation de certains immigrants illégaux qualifiés. Branché en mode campagne, le candidat Obama a d'ailleurs encouragé la population à le soutenir dans cette épreuve: "Je vous demande d'ajouter vos voix à ce débat en vous exprimant sur le site www.whitehouse.gov, il faut montrer à Washington qu'il y a un mouvement à travers le pays en faveur de la réforme!".

Reste que les républicains ne semblent pour l'heure pas prêts à un compromis en la matière, certains ayant répliqué mardi: "Il est marrant de voir le Président si proche de la frontière et toujours si loin de la réalité". Mais Obama ne compte pas renoncer à l'électorat latino qui l'avait soutenu à 67% en 2008. Les 48 millions d'Hispaniques aux Etats-Unis (14% de la population, première minorité ethnique du pays) pourraient notamment faire la différence dans les "swing states", ces Etats indécis dont le cœur balance encore entre voter démocrate ou républicain.

mercredi 4 mai 2011

Pas de photo du corps de Ben Laden

Après maintes hésitations, la Maison Blanche a décidé mercredi de ne pas publier les photos de la dépouille d'Oussama Ben Laden, tué dimanche par un commando américain dans le nord du Pakistan. Le Président et son équipe ont estimé que ces clichés risquaient de mettre en danger leurs troupes sur le terrain.

Publier ou ne pas publier les photos du cadavre de l'ennemi public numéro un des Etats-Unis atteint d'une balle dans l'œil? Telle est la question qui divise depuis plusieurs jours l'administration Obama. Entre ceux qui craignent que ces clichés n'enflamment l'opinion publique au Moyen-Orient, ne fassent de Ben Laden un martyr et ne menacent les soldats américains sur place. Et ceux qui veulent avant tout prouver au monde que l'auteur des attentats du 11 septembre est bel et bien mort pour éviter qu'une nouvelle théorie du complot ne voit le jour. 

La fameuse photo d'Obama et son équipe dimanche  
en attendant l'issue de l'Opération Geronimo
(Official White House Photo par Pete Souza)
Le Président a finalement décidé que publier des images macabres de Ben Laden allait «à l'encontre de la sécurité nationale» et risquait d'inciter à la violence ou servir de «propagande» pour les fidèles d'Al Qaïda. Obama a en outre estimé, selon le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney, que le corps de Ben Laden n'était pas un «trophée» que l'Amérique devait brandir. Aucune photo ne sera donc rendue publique. La décision n'était pas facile à prendre pour le chef de l'Etat car si sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton et son ministre de la Défense Robert Gates étaient contre la publication des clichés, le chef de la CIA Leon Panetta - qui succédera sous peu à Robert Gates (Obama a annoncé ce remaniement quelques jours avant l'élimination de Ben Laden) - prônait, lui, davantage le contraire. Plusieurs membres du Congrès défendaient aussi cette position dont le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham, la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins et le président indépendant de la commission Sécurité Intérieure de la Chambre Joe Lieberman (Connecticut). 
Neuf points en plus dans les sondages pour Obama
Mais Barack Obama a choisi de trancher avant que cette affaire ne prenne trop d'ampleur et ne vienne gâcher ce qui constitue l'un des succès majeurs de son mandat. Selon un sondage Washington Post/Pew Research Center, le soutien général de la population à son égard a en effet grimpé de neuf points par rapport au mois dernier pour atteindre les 56% -  niveau le plus élevé depuis un an et demi. Le taux de désapprobation a quant à lui chuté de 50 à 38%. (A noter que l'opinion des Américains sur la politique du chef de l'Etat en matière économique n'a pas bougé et reste à 40% positive et 55% négative).

L'administration américaine a par ailleurs estimé que publier des photos du corps de Ben Laden n'empêcherait pas les sceptiques de croire que ce dernier n'est pas mort, vu que des montages sont facilement réalisables (comme l'a montré, en début de semaine, la parution dans la presse d'un faux cliché). Malgré les résultats des tests ADN et des analyses de reconnaissance faciale prouvant à respectivement 99% et 95% qu'il s'agit bien du corps de Ben Laden, le mystère sur la mort du plus célèbre des terroristes devrait demeurer.

lundi 2 mai 2011

Joie mêlée d'inquiétude suite à la mort de Ben Laden

Dès l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues de Washington pour laisser exprimer leur joie. Entre soulagement et inquiétude, les sentiments sont partagés au sein de la population alors que les services secrets prédisent déjà un risque accru d'attentats.

La capitale a célébré dans la liesse la disparition de l'ennemi numéro un des Etats-Unis devant les grilles de la Maison Blanche dimanche soir. «L'esplanade était pleine de monde jusqu'à cinq heures du matin, c'était vraiment la fête», raconte Derek, agent immobilier originaire de la Côte Ouest. «Les gens agitaient des drapeaux américains dans tous les sens, certains grimpaient dans les arbres et levaient les bras en signe de victoire».

Des étudiantes devant la Maison Blanche ce lundi
brandissant l'édition du jour du Washington Post
(Photo C.S.)
Il se trouvait pour sa part à Los Angeles lors des attentats du 11 septembre 2001. «En apprenant la catastrophe, je me souviens avoir fixé un drapeau sur le toit de ma voiture et roulé dans la ville pendant des heures». S'il se dit aujourd'hui «soulagé» par la mort de Ben Laden - éliminé par un commando américain dans le nord du Pakistan - il regrette que son pays ait pris les attentats du 11 septembre comme «prétexte» pour envahir l'Irak. «On aurait dû rester concentrer sur l'Afghanistan». 

Appuyée contre les grilles de la Maison Blanche, Tammy photographie les groupes de badauds encore présents ce lundi afin de «capturer des moments d'histoire». La place est nettement plus clairsemée que dimanche soir mais des personnes continuent à arriver. La police a encadré le périmètre et sur le toit de la Maison Blanche des hommes en uniforme noir font le guet. Originaire de l'Etat de New York, cette mère de deux enfants en vacance dans la capitale ressent «beaucoup de joie pour les familles qui ont perdu des proches dans les attentats» mais elle regrette que tout soit arrivé si vite: «Ils ont tué Ben Laden puis ils ont jeté son corps à la mer. J'aurais préféré qu'il soit arrêté, jugé et qu'il passe sa vie en prison». Tammy se dit particulièrement inquiète des possibles «représailles» des alliés de Ben Laden voyant en ce dernier un «martyr».

Voir la dépouille de Ben Laden

Joe éprouve aussi des sentiments partagés. Il estime que le Président Barack Obama «a fait ce qu'il fallait faire» mais selon lui les Américains auraient souhaité «voir la dépouille de Ben Laden» avant qu'elle ne soit immergée en mer. Car, à présent, «toutes les théories risquent de naître du style: est-il vraiment mort?». Ce professeur d'histoire se trouvait tout près du Pentagone (dans la banlieue de Washington) au moment du 11 septembre et il prit des photos du bâtiment de l'armée américaine heurté par un avion. Ses clichés devinrent par la suite célèbres. Cette expérience l'a profondément marqué et à l'occasion des dix ans des attentats, en septembre prochain, il compte publier un livre de témoignages et de photos. Si la mort de Ben Laden reste à ses yeux une «grande nouvelle pour beaucoup de soldats, de familles, de pompiers», tout n'est pas terminé car «ce n'est pas parce qu'on coupe la tête du serpent, que le serpent ne vit plus».

Les services secrets américains sont d'ailleurs très inquiets du risque accru d'attentats et le Président Obama, qui s'est exprimé deux fois en moins de vingt-quatre heures, devrait faire de nouvelles déclarations sur ce sujet dans les prochains jours. Si cette opération constitue un véritable succès pour son mandat présidentiel, il veut éviter à tout prix que le sol américain ne soit une nouvelle fois la cible d'attaques terroristes.

Donald Trump tourné en ridicule


La réponse d'Obama à ses adversaires politiques ayant mis en doute son lieu de naissance a été férocement efficace: lors du dîner des correspondants de la Maison Blanche samedi, le Président a tourné en dérision Donald Trump et ses compères à coups de piques verbales et de clips vidéo provoquant l'hilarité de la salle. Des points gagnés pour 2012.

Le discours du chef de l'Etat lors de ce rendez-vous incontournable de la vie politico-mondaine de Washington n'a pas manqué de piquant. Son équipe avait préparé en introduction un clip vidéo mêlant des images des grands mythes américains et la photo du certificat de naissance d'Obama, le tout mis en musique sur l'air de «I am a real American» de Rick Derringer. Puis, le Président a entamé son discours, l'air sérieux comme à son habitude. Sauf que l'ironie n'était pas loin.

Rappelant d'entrée de jeu que l'Etat d'Hawaï venait de rendre public la version «longue et officielle» de son certificat de naissance, Obama a ajouté d'un ton grave: «Cela met fin, je l'espère, à tous les doutes mais au cas où certaines questions demeurent je suis prêt à faire un pas de plus ce soir: pour la première fois je vais publier la vidéo officielle de ma naissance». Et les écrans de diffuser un passage du dessin animé «Le Roi Lion» de Walt Disney, lorsque le vieux singe soulève dans les airs le lionceau pour le présenter à tous les animaux de la jungle. 


Le discours d'Obama samedi 30 avril à Washington

Fou rire de la salle. Le Président enchaîne: «Je tiens à préciser pour la table de Fox News: c'était une plaisanterie, ce n'est pas la vidéo de ma naissance, c'est un dessin animé pour les enfants». Donald Trump, l'homme d'affaires milliardaire ayant largement diffusé les rumeurs sur le lieu de naissance d'Obama, en prend aussi pour son grade: «Je sais que Donald Trump est présent dans la salle (...) Personne n'est plus fier de mettre fin à cette histoire que le Donald car il peut enfin se concentrer de nouveau sur les vraies questions comme: Est-ce que l'homme a vraiment marché sur la Lune? Que s'est-il réellement passé à Roswell? Où sont Biggie et Tupac? ».

Rire jaune de Trump. Avant d'arriver à la Maison Blanche, ce potentiel candidat républicain aux présidentielles de 2012 avait déclaré à des journalistes que le Président n'oserait pas parler de lui... Féroce, Obama a également réglé ses comptes avec la députée Tea Party du Minnesota Michele Bachmann, assise aux côtés de Trump: «Michele Bachmann songe à se présenter aux élections en 2012, ce qui est étrange car j'ai entendu qu'elle était née au Canada... Et oui Michele ça commence comme ça!».

Le reste de la prestation du chef de l'Etat n'a pas manqué d'humour notamment la parodie du film «The King's Speech» en hommage à l'inventeur du téléprompteur mort récemment. Avec cette soirée, Obama a réussi à récupérer à son avantage l'affaire embarrassante du certificat de naissance et à gagner des points sur ses adversaires de la droite dure. Une belle opération de communication de la part de son équipe, déjà en rang de bataille pour 2012.