mercredi 20 juillet 2011

Négociations sur la dette: la course contre la montre continue

"The clock is ticking": les négociations ardues entre Barack Obama et ses adversaires républicains sur le relèvement du plafond de la dette américaine continuent alors que la date butoir du 2 août, après laquelle les Etats-Unis risquent un défaut de paiement, approche à grands pas.

Pour la troisième fois en à peine plus d'une semaine, le président américain a expliqué à la presse, mardi, où en étaient les pourparlers sur le plafond de la dette entre démocrates et républicains. Une fois de plus, Barack Obama a pris un ton grave pour rappeler l'urgente nécessité de trouver un accord au Congrès sur le relèvement de ce plafond d'ici la limite fatidique du 2 août, faute de quoi les Etats-Unis pourraient se retrouver dans l'incapacité de rembourser leurs créanciers. L'Etat fédéral a en effet atteint mi-mai le seuil maximum de la dette autorisé par la loi, à savoir 14 294 milliards de dollars.

Depuis, le Trésor a eu recours à des mesures techniques pour rester sous cette barre mais il estime qu'elles seront épuisées le 2 août. D'ici là, si le Congrès - dominé par les républicains à la Chambre et les démocrates au Sénat - n'a pas voté un relèvement du plafond, le pays ne sera plus en mesure d'emprunter pour financer son déficit qui doit s'afficher cette année à 1600 milliards de dollars. Cela plongerait la première économie mondiale, et le reste du monde, dans une "crise majeure" selon les mots du président de la Réserve fédérale américaine Bern Bernanke. Ce dernier a d'ailleurs judicieusement constaté que refuser de relever le plafond reviendrait à "dépenser follement en utilisant sa carte de crédit et, ensuite, refuser de payer les factures".

Obama et son staff dans le Bureau Ovale après une réunion
avec les chefs de file du Congrès sur la dette (photo White House)
Alors que la situation économique de la zone euro est au plus mal, les yeux se tournent désormais aussi vers les Etats-Unis. La tension a été exacerbée mercredi dernier quand l'agence de notation Moody's a annoncé, qu'après la Grèce, le Portugal et l'Irlande, elle pourrait abaisser la note AAA des Etats-Unis. Le motif: "la probabilité croissante que la limite légale à la dette ne soit pas relevée à temps". Le lendemain, la contagion semblait s'étendre à l'agence Standard & Poor’s qui a confié à des législateurs américains qu'elle pourrait faire de même. Les réactions ont fusé à Washington, à l'idée d'un tel scénario jugé jusqu'alors improbable. "Il s'agit d'un rappel opportun de la nécessité pour le Congrès d'agir rapidement pour éviter de faire défaut sur les obligations du pays", a indiqué le Trésor, rappelant que selon la Constitution il est de la responsabilité du Congrès, et non du président, de voter un relèvement du plafond. Le président républicain de la Chambre, John Boehner, a rétorqué que ces annonces illustraient surtout la "nécessité pour la Maison Blanche d'agir rapidement sinon les marchés pourraient le faire pour nous".

Dramatisation politique à un an des présidentielles

La vraie pierre d'achoppement des négociations réside dans les mesures d'accompagnement de l'augmentation du plafond. Obama serait ainsi prêt à réduire fortement les dépenses fédérales, comme le demandent ses adversaires, mais réclame en parallèle de mettre fin aux exemptions fiscales accordées aux plus riches. Or les républicains, poussés par leur aile ultraconservatrice, refusent catégoriquement toute hausse d'impôts. L'ambiance reste tendue alors que l'horloge tourne. Personne ne semble cependant croire à la possibilité d'un défaut de paiement tant l'ampleur d'un tel scénario serait catastrophique pour la première puissance mondiale et le reste du monde. L'opinion publique continue de penser qu'il s'agit d'une dramatisation politique de plus entre adversaires républicains et démocrates à un an des présidentielles.

Surtout que depuis l'établissement d'un plafond global de la dette américaine en 1917 (la dette n'était alors que de 43 milliards), ce seuil n'a cessé d'être relevé. Depuis 2002, il a ainsi été rehaussé dix fois. Lors d'une conférence de presse la semaine dernière, Obama a reconnu que le blocage actuel avait été "artificiellement créé à Washington" car "augmenter le plafond de la dette est une procédure de routine" en général. Selon lui, la vraie question est d'en finir avec les "attitudes idéologiques" des uns et des autres, pour trouver un accord sur les mesures accompagnant la hausse du plafond et permettant de régler le problème du déficit du pays. "Nous avons une opportunité unique de faire quelque chose de grand ici et de régler les problèmes pour les dix ou vingt prochaines années", a lancé le président.

Le plan du "Gang des Six" pourrait être la solution

Un accord semblait néanmoins sur la voie hier autour d'une proposition mise sur la table par un groupe de six sénateurs, démocrates et républicains, surnommé "le Gang des Six". Elle pourrait satisfaire plus ou moins tout le monde, Obama et ses alliés démocrates du Sénat ainsi que les républicains de la Chambre. Ce plan prévoit une réduction des dépenses de 3700 milliards de dollars sur dix ans et des modifications aux grands programmes sociaux américains (sans cependant trop affecter Medicare, pour les personnes âgées, cher aux démocrates). Il comprendrait en parallèle une hausse des recettes de l'Etat non pas en augmentant les impôts mais en réformant le système fiscal. La Bourse de New York a d'ailleurs réagi positivement mardi dans la perspective d'un accord, enregistrant sa meilleure progression de l'année.

Reste que pour défier tout de même Obama, le camp républicain a imposé hier un vote symbolique à la Chambre sur un plan radical visant à réduire les dépenses et amender la Constitution afin d'équilibrer le budget fédéral. Mais ce texte résolument conservateur, appelé "Réduire, Plafonner et Équilibrer" (Cut, Cap and Balance), n'a aucune chance de passer au Sénat et Obama a assuré qu'il y apposerait son veto. Les prochains jours diront si la proposition beaucoup plus raisonnable du Gang des Six est la solution.

mercredi 13 juillet 2011

Le Texas exécute au détriment du droit international

L'Etat du Texas a suscité les foudres de l'ONU et de l'administration Obama en exécutant, la semaine dernière, un Mexicain sans lui avoir donné la possibilité de bénéficier de ses droits consulaires comme le prévoit la Convention de Vienne. 

A 18h21 heure locale, jeudi dernier, Humberto Leal Garcia, fils d'émigrés mexicains âgé de 38 ans, a été exécuté par injection létale dans la prison de Huntsville, dans l'est du Texas. Une heure avant sa mise à mort, la Cour suprême des Etats-Unis, plus haute instance judiciaire du pays, a refusé de lui accorder un sursis. Le gouverneur du Texas Rick Perry restait alors le dernier espoir pour Humberto Leal, mais le républicain pro-peine de mort n'a pas souhaité intervenir pour demander un délai supplémentaire ou la commutation de la peine en prison à vie. Leal a donc été exécuté, après avoir été condamné en 2010 pour le viol et le meurtre d'une adolescente de 16 ans en 1994, crimes qu'il a toujours nié avoir commis. 

Cette exécution a entraîné la fureur de l'ONU qui avait averti, à plusieurs reprises déjà, les Etats-Unis qu'ils risquaient de se mettre dans une "situation de violation de droit international". L'Organisation des Nations unies estime en effet que le pays a transgressé l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, en omettant d'informer Humberto Leal qu'il avait droit dès son arrestation à une assistance consulaire de la part du Mexique. Les autorités du Texas ne l'en auraient informé que très tardivement, alors qu'il attendait déjà son heure dans le couloir de la mort.


Le condamné à mort Humberto Leal, exécuté le 7 juillet au Texas
(Photo AFP/TEXAS DEPARTMENT OF CRIMINAL JUSTICE/HANDOUT)

Le gouvernement du Mexique a affirmé qu'il aurait pu engager des enquêteurs expérimentés ou des spécialistes de la santé mentale et prendre des mesures pour garantir qu'Humberto Leal soit représenté par des avocats compétents. Sans assistance consulaire, ce dernier s'est vu attribuer des avocats dont la qualité de la défense a été sérieusement mise en doute. Leal n'est pas le premier dans ce cas. Il fait partie d'une liste de 51 Mexicains condamnés à mort aux Etats-Unis n'ayant pas eu droit à cette aide consulaire. Ce qui a valu en 2004 une arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) demandant aux Etats-Unis une révision des verdicts de culpabilité et des peines prononcées mais en vain. La Cour suprême a bien réclamé en 2008 qu'une législation fédérale soit mise en place pour appliquer l'arrêt de la CIJ mais pour l'heure elle est toujours absente. 

L'administration Obama inquiète des répercussions

Suite à l'exécution d'Humberto Leal, la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a exprimé son profonde déception. Tout comme la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui a alerté que "si nous ne protégeons pas les droits des étrangers aux Etats-Unis, nous risquons sérieusement de connaître en retour des difficultés avec nos propres ressortissants à l'étranger". La Maison Blanche est intervenue à plusieurs reprises pour demander au Texas de suspendre cette exécution, non pour débattre de la culpabilité du condamné, mais pour réclamer le respect de la Convention de Vienne. En vain là aussi.

La commission des grâces du Texas (Texas Board of Pardons and Parole) a refusé d'accorder un délai de 180 jours au condamné, par 4 voix contre 1. Le même panel a écarté une commutation de sa peine de mort en emprisonnement à perpétuité, à l'unanimité cette fois. La législation sur la peine de mort est régie par chaque Etat aux Etats-Unis et le Texas est de loin celui qui exécute le plus avec 467 mises à mort depuis 1976. Le Texas n'a d'ailleurs pas apprécié de telles prises de position "extérieures", que ce soit de l'ONU, de Mexico ou de Washington. L'administration Obama s'inquiète de son côté des "graves répercussions" sur les relations des Etats-Unis avec le Mexique, en matière de coopération policière et dans d'autres dossiers bilatéraux, ainsi que sur la possibilité pour les citoyens américains voyageant à l'étranger de bénéficier d'une aide consulaire dans le cas d'une arrestation.  

Baisse des exécutions depuis 10 ans aux Etats-Unis

Les Etats-Unis figurent toujours parmi le top 5 des pays exécutant le plus, derrière la Chine, l'Iran, la Corée du Nord et le Yémen. "La majorité de l'opinion publique américaine n'a, selon les sondages, pas d'objection morale à la peine de mort; en revanche la question fondamentale qui la préoccupe est: combien d'innocents attendent dans le couloir de la mort?", explique Richard Dieter, avocat et directeur du Centre d'information sur la peine de mort à Washington. Ce dernier est convaincu que "des erreurs ont déjà été commises" et cite à l'appui des chiffres qui font froid dans le dos: "Depuis 1973, 138 condamnés à mort ont été libérés après avoir été reconnus innocents. Dans le même temps, 1252 prisonniers ont été exécutés. En gros, toutes les neuf exécutions on découvre un cas de condamné innocent. Mais pour combien de cas non découverts?".

La population reste marquée par les images télévisées de visages de condamnés à mort innocentés après un réexamen de leur procès. Certains cas furent particulièrement frappants comme celui de Hank Skinner, accusé du meurtre de sa compagne et ses deux fils, qui aurait dû être exécuté le 24 février 2010 au Texas mais reçut, 45 minutes avant l'injection mortelle, le sursis de la Cour Suprême. Pour Richard Dieter, la médiatisation de ce genre d'affaires explique la chute du nombre d'exécutions depuis dix ans (de 277 en 1999 à 112 en 2010). Quatre Etats ont en outre décidé ces quatre dernières années d'abolir la peine de mort sur leur sol, le dernier étant l'Illinois. "A ce rythme, dans quinze ans, le pays pourrait être débarrassé de la peine de mort", espère l'avocat. Reste que 34 Etats sur 50 maintiennent encore cette pratique. Si certains ne l'appliquent plus, comme le New Hampshire qui n'a effectué aucune exécution en 60 ans, d'autres sont des champions en la matière. Notamment les Etats du Sud qui procèdent à 80% des exécutions du pays.

jeudi 7 juillet 2011

Chicago et ses politiciens corrompus

L'ancien gouverneur de L'Illinois vient d'être reconnu coupable de 17 chefs d'accusations de corruptions. Une affaire de plus mettant en lumière le milieu politique véreux qui subsiste toujours dans la région de prédilection d'Al Capone.

Rod Blagojevich, dit "Blago", a montré un visage fermé à l'annonce du verdict des jurés, se contentant de se retourner vers son avocat pour lui demander: "Que s'est-il passé?". Sa femme Patti, elle, a éclaté en sanglots. L'ancien gouverneur démocrate de l'Illinois âgé 54 ans, connu pour sa pratique des passe-droits et pour avoir réclamé la tête de journalistes célèbres à Chicago, a été reconnu coupable de 17 chefs d'accusations de corruptions. Dont celui d'avoir voulu monnayer le siège de sénateur laissé vacant par Barack Obama après sa victoire à la présidence des Etats-Unis en novembre 2008.

"Blago", 40è gouverneur de l'Illinois,
bastion du Président Obama
En cas de vacance, c'est en effet au gouverneur de l'Etat concerné de désigner un nouveau sénateur en fonction de ses mérites et en attendant la prochaine élection. Sauf que "Blago" a préféré, pour ce faire, utiliser la bonne vieille méthode traditionnelle: il a cherché à offrir le prestigieux fauteuil au candidat le plus offrant, lui réclamant en échange des postes lucratifs pour lui et son épouse. Mais le gouverneur, fils d'immigrés serbes, s'est fait prendre la main dans le sac par le FBI qui l'avait mis sur écoute et enregistré une conversation téléphonique dans laquelle il assurait "vouloir faire de l'argent" avec cette "p----- d'occasion en or". C'est donc la fin pour Blago, qui encourt théoriquement jusqu'à 300 ans de prison même si son temps de détention devrait être réduit.

Cette affaire n'est qu'un exemple de plus de la pratique en cours dans la région de Chicago où depuis des années la corruption, les  connivences et les passe-droits sont devenus monnaie courante dans le milieu politique local. Cinq des neuf gouverneurs de l'Illinois ont été accusés ou arrêtés pour corruption, toutes tendances politiques confondues. Le prédécesseur de Blagojevich lui-même purge une peine de six ans et demi de prison pour fraude et racket. Au moment de son arrestation en 2008, le Chicago Sun-Times indiquait que dans les 30 dernières années pas moins de 79 élus locaux étaient tombés pour corruption.

Echange soutien électoral contre avantages substantiels

L'époque d'Al Capone, célèbre parrain de la Mafia de Chicago dans les années 1920-30, des politiciens véreux et des fédéraux incorruptibles n'est pas si loin. Selon les universitaires, cette culture politique remonterait à la fin du XIXè siècle lorsque l’arrivée de larges populations immigrées peinant à faire leur chemin poussa les élus locaux à mobiliser le vote des communautés en échange d’avantages substantiels. Le parti démocrate assit sa domination dans la région grâce à cette pratique et le système prit toute son ampleur sous le règne de Richard Daley, maire et "boss" de Chicago pendant 21 ans.

Le maire actuel de Chicago et ancien conseiller d'Obama, Rahm Emanuel, reste d'ailleurs aujourd'hui sur la défensive car il fut lui-même en contact étroit avec Blago.