mardi 21 juin 2011

L'Alabama légalise le délit de faciès

Un an après l'Arizona, l'Alabama vient d'adopter à son tour une loi anti-immigration ultra controversée qui fait du délit de faciès une pratique courante et oblige les écoles publiques à informer la police du nombre d'élèves en situation illégale.

Les associations de défense des droits civiques estiment que si cette nouvelle loi entre en vigueur, l'Alabama pourrait devenir "l'endroit le plus dangereux à vivre pour les gens de couleur aux Etats-Unis". Et ce, alors que cet Etat fut le point de départ du mouvement pour la défense des droits civiques dans les années 1960. C'est en effet à Montgomery, capitale de l'Alabama, que le 1er décembre 1955, en pleine ségrégation raciale, une couturière africaine-américaine du nom de Rosa Parks refusa de céder son siège à un passager blanc dans un bus de la ville. Un boycott resté dans les mémoires puisqu'il marqua le début de la fin des terribles lois Jim Crow.

Déposé le 1er mars dernier par le député républicain Micky Hammon, le projet de loi en question, immatriculé HB56, est passé comme une lettre à la poste à la Chambre et au Sénat de l'Alabama, tous deux dominés par les conservateurs depuis 2010. Le texte est à présent sur la table du gouverneur républicain de l'Etat, Robert Bentley, qui devrait le signer sous peu afin qu'il entre en vigueur le 1er septembre prochain. HB56 est calqué sur le modèle d'une loi adoptée en 2010 par le Congrès d'Arizona qui rend pour ainsi dire légal le délit de faciès. Sauf que sur bien des aspects, la loi d'Alabama est encore plus dure.

Délation des enfants

Elle donne ainsi le droit aux autorités de l'Etat de demander ses papiers à toute personne dans la rue jugée "raisonnablement" suspicieuse et de l'arrêter pour procéder à une enquête plus approfondie. Il devient par ailleurs illégal non seulement d'employer un sans-papiers (sous peine de suspension de la licence de travail du patron) mais aussi de le protéger, l'héberger, lui louer un logement ou le prendre en voiture même si c'est pour le conduire chez un médecin. Le texte précise en outre que les individus clandestins ne pourront pas recevoir d'aides publiques et une base de données en ligne vérifiera automatiquement le statut de tout nouvel employé. Enfin, comble du vice, la loi frappe directement le droit à l'éducation des jeunes immigrants et oblige les écoles publiques à procéder à des inventaires de leurs élèves afin de faire rapport aux autorités du nombre d'individus clandestins. Un véritable appel à la délation des enfants...

Cette nouvelle loi, qui vise essentiellement les populations issues d'Amérique latine constituant la majeure partie des 11 millions d'immigrants illégaux aux Etats-Unis, a suscité une vague de protestation chez les élus locaux démocrates et les organisations de défense des droits civiques. Même les Eglises ont exprimé leur mécontentement car l'une des dispositions leur interdit de fournir des refuges aux sans-papiers.

Querelle de pouvoir entre les Etats et Washington

Le plus curieux dans cette affaire est que les Hispaniques sont estimés à moins de 3% de la population en Alabama. Par ailleurs, les législateurs locaux savent très bien que le gouvernement fédéral devrait contester le texte en justice au motif que l'Etat d'Alabama a outrepassé ses compétences, comme il l'a déjà fait pour la loi d'Arizona dont certaines parties ont été jugées anticonstitutionnelles par la Cour Suprême. Ce genre de législations - qui commencent à voir le jour en Géorgie, Caroline du Sud, Indiana, Oklahoma - semblent donc plus symboliques qu'autre chose et constituent un moyen pour certains Etats soucieux de récupérer du pouvoir en matière d'immigration de poursuivre le bras de fer avec Washington.

jeudi 16 juin 2011

Weiner démissionne, la queue entre les jambes

Et un scandale sexuel de plus aux Etats-Unis se concluant par une démission. Après deux semaines de polémique et de critiques au sein de son propre camp, l'élu démocrate de New York Anthony Weiner, qui avait envoyé des photos dénudées de lui sur Twitter à plusieurs jeunes femmes, a annoncé sa démission ce jeudi.

Celui qui se voyait déjà comme le futur maire branché et ultra-médiatique de New York n'est désormais plus rien. Comme d'autres avant lui, cet homme politique proche du sommet a tout perdu en un instant pour n'avoir pas su retenir ses pulsions sexuelles et avoir cru que le pouvoir rendait invincible. Face à la pression et aux appels pressants des figures clés du parti démocrate ainsi que du Président Barack Obama lui-même, Anthony Weiner, 46 ans, représentant depuis 1999 la 9ème circonscription de l'Etat de New York (comprenant une partie des quartiers ouvriers de Brooklyn et du Queens) a finalement décidé de jeter l'éponge. Non sans se faire huer lors de sa conférence de presse de quatre minutes jeudi.

Son histoire est peu glorieuse. Accoutumé des relations virtuelles coquines, l'élu a envoyé le 28 mai via son compte Twitter à une étudiante de Seattle une photo gros plan de son slip abritant son pénis en érection. Sauf qu'il s'est trompé dans la manipulation et que la photo est apparue sur son profil Twitter au vu et au su de tous ses contacts. Pris de panique, Weiner a immédiatement crié au piratage, lançant à tout-va qu'il avait été la victime malheureuse d'un "hacker". Mais quelques jours plus tard, le site conservateur BigGovernment a publié de nouvelles photos du représentant, le montrant notamment dans une salle de sport quasiment nu, une main recouvrant ses parties intimes avec un bout de serviette et l'autre brandissant un BlackBerry pour se prendre en photo devant la glace (Ce qui n'est même pas original vu qu'en février un autre représentant de New York, républicain cette fois, avait démissionné après avoir envoyé des photos de son torse nu et musclé sur le réseau Craiglist).



Les aveux mémorables d'Anthony Weiner
le 6 juin en direct à la télévision américaine

Weiner - dont le nom, ironiquement, se prononce de la même façon que les "saucisses" utilisées dans les hot-dogs - a donc été contraint d'avouer le 6 juin, en pleurs devant les caméras de tout le pays, être l'auteur de ces clichés. Il a même reconnu avoir entretenu ces trois dernières années des relations virtuelles avec au moins six femmes. C'est d'ailleurs ce long et persistant mensonge, plus encore que l'envoi de photos osées, qui a rendu furieux les électeurs de sa circonscription et pousser ses confrères de la Chambre à réclamer sa démission. Le fait que le favori de la course à la mairie de New York de 2013 était marié depuis un an à la belle Huma Abedin (une proche collaboratrice d'Hillary Clinton en poste à la Maison Blanche lorsque la First Lady a dû affronter l'affaire Lewinski), de surcroît enceinte de trois mois, n'a guère arrangé les choses.

La France n'est donc pas la seule à faire face actuellement à un scandale sexuel même si l'affaire Weiner reste d'une échelle moindre comparée au cas DSK. L'histoire politique de la très puritaine Amérique est d'ailleurs parcourue de scandales sexuels en tous genres, se terminant bien souvent par des démissions ou quelquefois des rédemptions comme dans le cas de Bill Clinton.  Reste que ce nouvel épisode ne devrait guère servir le parti démocrate à moins d'un an et demi des présidentielles. Mais pour la Maison Blanche, il s'agit d'un cas isolé ainsi que d'une "distraction" par rapport aux vrais problèmes économiques du pays.

mardi 7 juin 2011

Un parti républicain sans visage

A l'approche du très attendu débat télévisé du 13 juin dans le New Hampshire, de plus en plus de candidats républicains se lancent enfin dans la course. Mitt Romney fait à ce stade figure de favori alors que Sarah Palin, en tournée sur la côte Est, n'a toujours pas révélé ses intentions.

Le débat du 13 juin sera le premier véritable affrontement entre les potentiels nominés du parti de l'éléphant pour les présidentielles du 6 novembre 2012. Il se déroulera dans le New Hampshire, Etat capital pour les candidats à l'investiture républicaine et démocrate car c'est là que se tient traditionnellement la première élection primaire de chaque parti. Sept noms, officiellement dans la course, ont déjà répondu à l'invitation lancée par le célèbre présentateur de CNN John King qui animera la soirée. Une grande absente demeure: Sarah Palin qui a déclaré qu'elle ne pensait pas pouvoir venir car il est "trop tôt" à ses yeux. 

Jusqu'à présent, l'égérie du Tea Party âgée de 47 ans maintient le suspense quant à ses intentions. Le 29 mai dernier, elle a lancé sa tournée médiatique en autobus le long de la côte Est du pays pour redorer son blason après avoir disparu des radars pendant plusieurs mois. Son image a en effet souffert de la fusillade meurtrière de Tucson, en janvier, qui a fait six morts et blessé à la tête la députée démocrate d'Arizona Gabrielle Giffords. Palin et ses troupes avaient alors été accusés de propager des messages violents notamment cette fameuse carte des cibles à éliminer montrant dans un viseur de revolver une série de districts aux mains des démocrates, dont celui de Giffords.


Reportage d'ABC News sur la potentielle candidature de Sarah Palin
Palin se refait donc une santé médiatique avec ce "road trip" dans les lieux historiques du pays, apparaissant sur toutes les chaînes de télévision, s'adressant de façon simple aux "petites gens" et s'adonnant à ce qui ressemble à s'y méprendre à une véritable pré-campagne électorale. L'ex-gouverneure d'Alaska aurait même acheté une maison d'1,7 millions de dollars en Arizona pour y relocaliser son quartier général de campagne, assurent certains commentateurs. Un documentaire du réalisateur conservateur Stephen K. Bannon la présentant sous on meilleur jour devrait par ailleurs être diffusé le mois prochain.
Mais pour l'heure, Palin n'est toujours pas candidate et elle n'est donc pas prévue au programme du débat du 13 juin. Les sept autres concurrents sont en revanche attendus et commencent déjà à affûter leurs armes. Beaucoup se sont portés candidats ces dernières semaines, ce qui reste historiquement tard dans le calendrier. Mitt Romney, ex-gouverneur du Massachusetts, ancien businessman élevé dans la foi mormone, arrivé deuxième derrière John McCain lors des primaires républicaines de 2008, fait figure de favori. Âgé de 64 ans, il a annoncé sa candidature la semaine dernière en mettant l'accent sur l'économie, la création d'emploi et la réduction du déficit américain. Ses adversaires républicains lui reprochent d'avoir signé une loi, au niveau local, sur les services de santé lorsqu'il était gouverneur de son Etat de 2003 à 2007. Mais Romney assure que celle-ci n'avait rien à voir avec la réforme d'Obama que le parti républicain s'acharne à éradiquer.  
De gauche à droite: Bachmann, Paul, Gingrich, Cain, Pawlenty, Santorum et Romney (Photo CNN)
On trouve aussi comme potentiel nominé l'ancien sénateur de Pennsylvanie Rick Santorum qui a annoncé sa candidature lundi. Ce père de sept enfants, âgé de 53 ans, est le favori des chrétiens évangéliques et défend des positions férocement homophobes, anti-avortement et pro-peine de mort. Il faut également citer l'ex-Président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, qui à 67 ans garde une très mauvaise réputation à la fois pour avoir trompé ses différentes épouses et provoqué l'arrêt ("shutdown") du gouvernement sous l'administration Clinton en 1995. Gingrich se disait jusqu'alors opportunément "fan" du Tea Party mais le mouvement ultraconservateur ne devrait pas le soutenir et l'assimile même à un "R.I.N.O" (Republican In Name Only) car l'ex-Speaker de la House a dernièrement critiqué le projet républicain de sabrer les financements pour le programme Medicare dédié aux personnes âgées.
Autre candidat en lice: l'ancien gouverneur du Minnesota âgé de 50 ans Tim Pawlenty, surnommé "T-Paw" par les médias américains. Concentré sur la réduction du déficit et la non-augmentation des impôts, il devrait avoir fort à faire pour trouver une place parmi ses adversaires mais il tente de s'imposer comme un candidat du Midwest qui ne craint pas d'envisager des solutions draconiennes en vue de régler les problèmes financiers du pays. Il ne faut oublier non plus Ron Paul, 75 ans, député du Texas ayant déjà été trois fois candidat pour les primaires républicaines dont la première fois en 1988 au nom du parti libertarien. Cette branche du parti républicain place la liberté individuelle comme principe absolu de vie et préconise un Etat fédéral au rôle ultra-limité, ainsi que de faibles impôts, des marchés libres, une politique étrangère non interventionniste. Ron Paul a poussé le concept libertarien si loin dans sa logique qu'il prône la vente libre de tous les stupéfiants, estimant qu'il s'agit d'un sujet relevant de la responsabilité personnelle. Sur certains points, il est soutenu par les partisans du Tea Party dont la voix devrait largement compter lors de ces élections.
Nombreuses défections
Reste enfin la députée du Minnesota Michele Bachmann, 55 ans, autre égérie du Tea Party dans le même style que Sarah Palin (sauf que si cette dernière se présente  Bachmann devrait a priori être éclipsée) et l'ancien PDG de la chaîne de restaurant "Godfather's Pizza" Herman Cain qui, à 65 ans, est le seul Africain-Américain de la course républicaine. La liste s'arrête ici car de nombreuses figures pressenties ont renoncé à l'investiture telles que l'ex-gouverneur de l'Arkansas Mike Huckabee, le richissime homme d'affaires Donald Trump, le gouverneur de l'Indiana Mitch Daniels ou son homologue du Mississippi Haley Barbour. Jon Huntsman, ex-ambassadeur de Barack Obama en Chine et ancien gouverneur de l’Utah, pourrait quant à lui annoncer sa candidature à la dernière minute.
C'est la première fois que le parti républicain  se retrouve à ce stade de la campagne sans visage pour l'incarner ni leader charismatique naturel. Cela traduit une crise profonde du parti, divisé en son sein entre différentes tendances. Beaucoup de républicains semblent par ailleurs convaincus que l'élection de 2012 est perdue d'avance surtout si Barack Obama, qui devrait lever près d'un milliard de dollars pour sa campagne, bénéficie d'une relance de l'économie.