mercredi 13 juillet 2011

Le Texas exécute au détriment du droit international

L'Etat du Texas a suscité les foudres de l'ONU et de l'administration Obama en exécutant, la semaine dernière, un Mexicain sans lui avoir donné la possibilité de bénéficier de ses droits consulaires comme le prévoit la Convention de Vienne. 

A 18h21 heure locale, jeudi dernier, Humberto Leal Garcia, fils d'émigrés mexicains âgé de 38 ans, a été exécuté par injection létale dans la prison de Huntsville, dans l'est du Texas. Une heure avant sa mise à mort, la Cour suprême des Etats-Unis, plus haute instance judiciaire du pays, a refusé de lui accorder un sursis. Le gouverneur du Texas Rick Perry restait alors le dernier espoir pour Humberto Leal, mais le républicain pro-peine de mort n'a pas souhaité intervenir pour demander un délai supplémentaire ou la commutation de la peine en prison à vie. Leal a donc été exécuté, après avoir été condamné en 2010 pour le viol et le meurtre d'une adolescente de 16 ans en 1994, crimes qu'il a toujours nié avoir commis. 

Cette exécution a entraîné la fureur de l'ONU qui avait averti, à plusieurs reprises déjà, les Etats-Unis qu'ils risquaient de se mettre dans une "situation de violation de droit international". L'Organisation des Nations unies estime en effet que le pays a transgressé l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, en omettant d'informer Humberto Leal qu'il avait droit dès son arrestation à une assistance consulaire de la part du Mexique. Les autorités du Texas ne l'en auraient informé que très tardivement, alors qu'il attendait déjà son heure dans le couloir de la mort.


Le condamné à mort Humberto Leal, exécuté le 7 juillet au Texas
(Photo AFP/TEXAS DEPARTMENT OF CRIMINAL JUSTICE/HANDOUT)

Le gouvernement du Mexique a affirmé qu'il aurait pu engager des enquêteurs expérimentés ou des spécialistes de la santé mentale et prendre des mesures pour garantir qu'Humberto Leal soit représenté par des avocats compétents. Sans assistance consulaire, ce dernier s'est vu attribuer des avocats dont la qualité de la défense a été sérieusement mise en doute. Leal n'est pas le premier dans ce cas. Il fait partie d'une liste de 51 Mexicains condamnés à mort aux Etats-Unis n'ayant pas eu droit à cette aide consulaire. Ce qui a valu en 2004 une arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) demandant aux Etats-Unis une révision des verdicts de culpabilité et des peines prononcées mais en vain. La Cour suprême a bien réclamé en 2008 qu'une législation fédérale soit mise en place pour appliquer l'arrêt de la CIJ mais pour l'heure elle est toujours absente. 

L'administration Obama inquiète des répercussions

Suite à l'exécution d'Humberto Leal, la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a exprimé son profonde déception. Tout comme la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui a alerté que "si nous ne protégeons pas les droits des étrangers aux Etats-Unis, nous risquons sérieusement de connaître en retour des difficultés avec nos propres ressortissants à l'étranger". La Maison Blanche est intervenue à plusieurs reprises pour demander au Texas de suspendre cette exécution, non pour débattre de la culpabilité du condamné, mais pour réclamer le respect de la Convention de Vienne. En vain là aussi.

La commission des grâces du Texas (Texas Board of Pardons and Parole) a refusé d'accorder un délai de 180 jours au condamné, par 4 voix contre 1. Le même panel a écarté une commutation de sa peine de mort en emprisonnement à perpétuité, à l'unanimité cette fois. La législation sur la peine de mort est régie par chaque Etat aux Etats-Unis et le Texas est de loin celui qui exécute le plus avec 467 mises à mort depuis 1976. Le Texas n'a d'ailleurs pas apprécié de telles prises de position "extérieures", que ce soit de l'ONU, de Mexico ou de Washington. L'administration Obama s'inquiète de son côté des "graves répercussions" sur les relations des Etats-Unis avec le Mexique, en matière de coopération policière et dans d'autres dossiers bilatéraux, ainsi que sur la possibilité pour les citoyens américains voyageant à l'étranger de bénéficier d'une aide consulaire dans le cas d'une arrestation.  

Baisse des exécutions depuis 10 ans aux Etats-Unis

Les Etats-Unis figurent toujours parmi le top 5 des pays exécutant le plus, derrière la Chine, l'Iran, la Corée du Nord et le Yémen. "La majorité de l'opinion publique américaine n'a, selon les sondages, pas d'objection morale à la peine de mort; en revanche la question fondamentale qui la préoccupe est: combien d'innocents attendent dans le couloir de la mort?", explique Richard Dieter, avocat et directeur du Centre d'information sur la peine de mort à Washington. Ce dernier est convaincu que "des erreurs ont déjà été commises" et cite à l'appui des chiffres qui font froid dans le dos: "Depuis 1973, 138 condamnés à mort ont été libérés après avoir été reconnus innocents. Dans le même temps, 1252 prisonniers ont été exécutés. En gros, toutes les neuf exécutions on découvre un cas de condamné innocent. Mais pour combien de cas non découverts?".

La population reste marquée par les images télévisées de visages de condamnés à mort innocentés après un réexamen de leur procès. Certains cas furent particulièrement frappants comme celui de Hank Skinner, accusé du meurtre de sa compagne et ses deux fils, qui aurait dû être exécuté le 24 février 2010 au Texas mais reçut, 45 minutes avant l'injection mortelle, le sursis de la Cour Suprême. Pour Richard Dieter, la médiatisation de ce genre d'affaires explique la chute du nombre d'exécutions depuis dix ans (de 277 en 1999 à 112 en 2010). Quatre Etats ont en outre décidé ces quatre dernières années d'abolir la peine de mort sur leur sol, le dernier étant l'Illinois. "A ce rythme, dans quinze ans, le pays pourrait être débarrassé de la peine de mort", espère l'avocat. Reste que 34 Etats sur 50 maintiennent encore cette pratique. Si certains ne l'appliquent plus, comme le New Hampshire qui n'a effectué aucune exécution en 60 ans, d'autres sont des champions en la matière. Notamment les Etats du Sud qui procèdent à 80% des exécutions du pays.

1 commentaire:

  1. Bonjour et merci pour ce billet
    Donc, ni les foudres de l'ONU ajoutées à celles de l'administration Obama ne peuvent amener à faire respecter le simple droit d'aide consulaire ?
    Et j'ai l'impression que plus que la recherche du respect du droit, Hillary Clinton s'inquiète des représailles ? "nous risquons sérieusement de connaître en retour des difficultés avec nos propres ressortissants à l'étranger".

    Humberto Leal Garcia est mort, exécuté. Etait-il innocent ? Au bout de combien de temps sa famille le saura ?

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