jeudi 31 mars 2011

Non rien de rien, je ne regrette rien

Donald Rumsfeld était invité au Hudson Institute de Washington ce mardi pour présenter ses mémoires « Known and Unknown » parus en février. L’ancien Secrétaire à la Défense de l’administration Bush (de 2001 à 2006), aux commandes de la guerre en Afghanistan et de l’invasion en Irak, est revenu sur ses six années passées à la tête du Pentagone en justifiant ses actions et en balayant toute critique. Extraits.

Un Donald Rumsfeld confiant
ce 29 mars à Washington (Photo C.S.)
Sur la lutte contre le terrorisme. L’ancien faucon républicain âgé de 78 ans souhaite mettre un A+ au Président Bush dans ce domaine. Car s’il reste selon lui « impossible » de se défendre contre des attaques terroristes partout et à toute heure du jour et de la nuit, « depuis près de dix ans les Etats-Unis n’ont pas connu la moindre attaque terroriste réussie ». Ce qui, à ses yeux, est « à mettre au crédit de Bush et de la structure qu’il a créée ». Une structure « pas simplement défensive » mais visant aussi à « faire pression sur les terroristes et à rendre toutes leurs actions beaucoup plus difficiles telles que lever de l’argent, voyager ou communiquer par téléphone ».

Sur la guerre en Afghanistan. Aux premières loges de ce conflit en tant que ministre de la Défense, Donald Rumsfeld rejette les critiques concernant la campagne menée sur le terrain par les troupes américaines. Il souligne que les Etats-Unis sont arrivés dans ce pays avec des « forces limitées » et sont malgré tout parvenus à « tuer et capturer des membres d’Al-Quaïda », à « repousser les Talibans hors de Kaboul et de la plupart du reste du pays » et à limiter au final la « période de violence ». Selon lui, de 2003 à 2005, l’Afghanistan était même en « très bonne forme », puisqu’il y avait une Constitution et des élections, l’activité économique avait repris et les réfugiés revenaient. « On a déformé l’histoire » en affirmant que les Américains avaient perdu pied en Afghanistan, poursuit-il. L’ancien Congressman estime aujourd’hui que ce pays devra « évoluer dans la voie qui lui convient le mieux et qui correspond à son stade particulier de développement ».

Sur le fiasco des armes de destruction massive en Irak. L'ex-Secrétaire d'Etat assure que l’administration Bush et l’armée croyaient en leur existence. Pour Rumsfeld, affirmer que la présence de ces armes chimiques et biologiques était un prétexte mensonger pour envahir l’Irak est une « allégation honteuse ». « Des erreurs ont été faites », reconnait-il, mais « je peux vous assurer que le Président croyait chaque mot qu’il prononçait, tout comme le vice-Président Dick Cheney ou le Secrétaire d’Etat Colin Powell ». Ce dernier aurait notamment « beaucoup travaillé pour préparer son discours devant le Conseil de sécurité des Nations unies (le 5 février 2003) et l’idée qu’il ait pu mentir est tout simplement inexcusable et irresponsable », ajoute Rumsfeld, éludant complètement la question de la légitimité de cette guerre.

Colin Powell présentant son argumentaire
au Conseil de sécurité de l'ONU le 5 février 2003

Sur les allégations de tortures à Guantanamo. Donald Rumsfeld raconte d'un air presque amusé à l’auditoire du Hudson Institute avoir un jour discuté avec une journaliste et lui avoir demandé : « Combien de personnes ont selon vous subi la torture par l’eau à Guantanamo ? » (« waterboarding » en anglais, technique du Moyen Âge consistant à ligoter la victime sur une planche, à lui recouvrir la tête d'un tissu et à lui verser de l’eau dessus pour la faire suffoquer). La journaliste aurait répondu : « Des dizaines ». Et lui de répliquer : « Bien sûr que la réponse est zéro. Aucun homme n’a subi une telle torture à Guantanamo. Pas un! ». Malaise et froid dans la salle face à ces propos inévitablement invérifiables.

Sur l’OTAN et la révolution libyenne aujourd’hui. Rumsfeld estime que l’OTAN est « potentiellement utile » car certains problèmes ne peuvent pas être réglés à l’échelle d’un seul pays. L’ex-ministre rappelle fièrement « qu’au temps de la guerre contre le terrorisme Bush et Powell ont réussi à réunir une coalition de 90 pays, en Afghanistan ils ont obtenu une coalition de 69 pays et en Irak de 45 pays ». Il se dit frappé de voir aujourd’hui toutes ces discussions confuses sur la Libye. Selon lui, l’OTAN ne peut bien fonctionner qu’avec un « engagement » et un « leadership fort » des Etats-Unis, non seulement sur le plan militaire mais aussi politique, « c’est juste une réalité de cette institution » selon lui. A la question de savoir si cela est une critique indirecte à l’adresse du Président Obama et s’il souhaiterait voir les Etats-Unis reprendre la direction des opérations en Libye, le belliqueux Rumsfeld remue sur son siège, lâche un faible sourire, avant de répondre oui de la tête.

mardi 29 mars 2011

Obama : La Libye n’est pas l’Irak

Critiqué à droite comme à gauche sur la question libyenne, Barack Obama a défendu lundi soir, lors d'une adresse télévisée à la Nation, son intervention militaire. Il a souligné qu’il était de sa responsabilité d’agir pour éviter un massacre humanitaire tout en assurant que les troupes américaines ne s’engageraient pas davantage comme ce fut le cas en Irak.

Les clarifications du Président démocrate étaient attendues depuis qu'il a décidé de lancer il y a dix jours des frappes aériennes sur les forces du colonel Khadafi, avant de se retirer de la direction des opérations pour céder le « lead » à l’OTAN. L'opinion américaine reste en effet divisée sur la question: 47% de la population soutiendraient l’intervention des Etats-Unis contre 37% qui la désapprouvent selon un sondage Gallup. De nombreuses critiques émanent en outre du Congrès, plusieurs législateurs des deux bords politiques ayant reproché à Obama de n'avoir pas sollicité leur autorisation avant de lancer les frappes. Le chef de l'Etat s’est aussi vu accuser sur sa gauche d'engager le pays dans une troisième guerre au Moyen-Orient et sur sa droite d’être trop frileux comparé à son prédécesseur George W. Bush lors de l’invasion de l'Irak en 2003.

Dans ce contexte, Obama a répliqué lundi, depuis la « National Defense University » de Washington, qu’il était de la responsabilité des Etats-Unis d’intervenir. Car cela aurait été « trahir ce nous sommes » que  de ne pas « empêcher un massacre ». « Depuis plus de 40 ans, le peuple libyen est dirigé par un tyran, Mouammar Kadhafi. Il prive son peuple de toute liberté, exploite ses richesses, assassine ses opposants, chez lui comme à l'étranger, et terrorise des innocents dans le monde entier (...) Ce soir, je suis en mesure de dire que nous avons stoppé la progression meurtrière de Kadhafi », a-t-il martelé, précisant que le cas libyen était différent de l’Egypte, du Bahreïn, du Yémen ou de la Syrie.

 Extrait du discours de Barack Obama du 28 mars 2011

Le Président a par ailleurs souligné que « la Libye et le monde se porteraient mieux sans Kadhafi au pouvoir » mais il a ajouté que ce serait une « erreur » d’élargir davantage l’intervention américaine: « Nous avons pris ce chemin en Irak, le changement de régime a duré huit ans et a coûté des milliers de vie américaines et irakiennes ainsi que près d’un billion (mille milliards) de dollars. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter cela en Libye ». Le « Commander in Chief » a conclu ses propos en assurant que dès à présent les Etats-Unis n’auraient plus qu'un « rôle de soutien » en Libye.

 Discours de George W. Bush annonçant l'invasion de l'Irak le 19 mars 2003

Ce discours de 27 minutes aura probablement convaincu une partie de l’opinion publique par ses touches patriotiques et émotionnelles. Mais il n'aura certainement pas répondu aux plaintes des législateurs, le Président se bornant à déclarer qu’il avait autorisé les frappes « après avoir consulté le leadership bipartisan du Congrès ». Les critiques émanant de Capitol Hill devraient donc se poursuivre. Dès lundi soir, le sénateur d’Arizona et ancien candidat républicain à la Maison Blanche en 2008, John McCain, a reproché à Obama son manque de fermeté indiquant: « Si l’on dit à Khadafi 'Ne t’inquiète pas tu ne seras pas contraint par la force de quitter le pouvoir', je pense que c’est un signal très encourageant pour lui ».

mercredi 16 mars 2011

La Maison Blanche reste branchée nucléaire

Les événements catastrophiques du Japon ont ouvert un débat aux Etats-Unis sur la sécurité du programme nucléaire américain. Certains législateurs appellent à freiner la construction de nouvelles centrales mais l’administration Obama, soucieuse de développer les « énergies propres » et de réduire la dépendance du pays envers le pétrole étranger, y reste opposée.

Le Ministre de l'Energie Steven Chu,
 co-lauréat du Prix Nobel de Physique en 1997
 (Photo:Center For American Progress Action Fund)
« Pouvez-vous nous assurer que les explosions survenues dans plusieurs réacteurs de la centrale de Fukushima (suite au séisme et au tsunami de vendredi) ne peuvent pas arriver chez nous ? ». Question du député démocrate de l’Illinois Bobby Rush au Secrétaire d’Etat à l’Energie Steven Chu, lors d’une audition devant la commission de l’Energie de la Chambre ce mercredi à Washington. « Je peux vous assurer que nous allons regarder de très près ce qui se passe au Japon et tirer toutes les leçons qui doivent être tirées », a répondu le représentant de la Maison Blanche.

Et d'ajouter que les centrales nucléaires américaines ont été construites « sur base de critères de sécurité extraordinairement élevés pour faire face aux tremblements de terre, aux tempêtes et aux attaques terroristes » et que « si certains critères doivent être renforcés ils le seront ». L’administration Obama reste donc pour l'heure entièrement « engagée » dans la poursuite de son programme nucléaire. Elle continue notamment à défendre l'adoption par le Congrès d'une enveloppe de 36 milliards de dollars de garanties de prêts fédérales en 2011 pour la construction de nouvelles centrales (18,5 milliards ont déjà été alloués en 2010). 

Proposition d'un moratoire temporaire

Un optimisme qui ne semble toutefois pas partagé par tout le monde, notamment dans le camp démocrate. Les Américains ont en effet le premier parc nucléaire au monde avec 104 réacteurs, dont la plupart sont concentrés sur la moitié Est du territoire. Une partie de ces centrales ont été construites, dans les années 1960-70, sur des zones à forte activité sismique comme la Caroline du Sud ou la Californie. Certaines d’entre elles sont en outre du même modèle que la centrale japonaise aujourd'hui en difficulté.

Dans ce contexte, plusieurs législateurs ont appelé à revoir les dispositifs de sécurité des différents sites. Le sénateur indépendant du Connecticut Joe Lieberman a réclamé un « moratoire temporaire sur la construction de centrales nucléaires aux Etats-Unis », alors que des demandes pour exploiter 20 nouvelles centrales sont actuellement sur la table. Lieberman précise être un partisan du nucléaire, qui reste à ses yeux une source d’énergie « domestique et propre ». Il ne souhaite donc pas arrêter définitivement la construction de centrales mais simplement y « mettre un frein jusqu’à ce que l’on comprenne les ramifications de ce qui se passe au Japon ».

Le député démocrate du Massachusetts Ed Markey, membre de la commission de l'Energie à la Chambre des représentants, estime de son côté que les Etats-Unis sont aussi « vulnérables » que le Japon et qu’il convient de « mettre en veilleuse tout projet d'installation nucléaire devant être aménagé dans une zone à forte activité sismique ». Markey propose en outre de moderniser les dispositifs de sécurité des réacteurs déjà situés dans des zones d’activité sismique. Les leaders démocrates de la commission de l'Energie ont quant à eux appelé à l'ouverture d'une enquête afin de déterminer si les centrales nucléaires du pays peuvent faire face à des séismes majeurs ou des tsunamis.

Three Mile Island dans les mémoires

Mais les élus républicains, largement en faveur d’une expansion du nucléaire aux Etats-Unis, ne semblent pas du tout sur la même longueur d’onde et ont mis en garde contre un jugement trop hâtif dans la situation émotionnelle actuelle. Le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell (Kentucky), a expliqué sur FoxNews que le plus important restait de « nous libérer de notre dépendance envers le pétrole étranger », ajoutant que ce n’était pas le moment adéquat pour prendre des décisions politiques internes.

Jimmy Carter quittant le site de Three Mile Island
(Photo: President's Commission
 on the Accident at Three Mile Island)
L’administration Obama, soucieuse d'investir dans ce qu'elle considère comme une « énergie propre » et « créatrice d'emplois », va donc tenter de maintenir sa politique sur le nucléaire tout en assurant à ses alliés démocrates et à l'opinion publique  que toutes les mesures de sécurité seront prises. Le pays reste profondément marqué par l’accident nucléaire de Three Mile Island (Pennsylvanie) survenu en 1979, sous l'administration Carter, au cours duquel le coeur de l'un des réateurs avait en partie fondu. Peu après cet incident qui n'a fait aucune victime, la construction de nombreux réacteurs similaires à celui de Three Mile Island fut arrêtée. Avec la catastrophe bien plus grave de Tchernobyl (Ukraine) en 1986, les Etats-Unis décidèrent de littéralement mettre un terme à leur programme nucléaire.

Ce n’est qu’en 2005 que la « renaissance nucléaire » eut lieu aux Etats-Unis lorsque le Président républicain George W. Bush décida de visiter la centrale de Calvert Cliffs, dans le Maryland, pour encourager la construction de nouveaux sites. Quelques semaines plus tard, le Congrès adopta l’Energy Policy Act, comportant une série de mesures incitatives pour la construction de centrales. Loin de prendre le contre-pied de Bush en la matière, le démocrate Barack Obama renforça cette tendance peu après son arrivée à la Maison Blanche en 2008. Il distribua notamment à différents opérateurs les 18,5 milliards de prêts-garanties qui  avaient été votés sous Bush mais n'avaient pas encore été alloués. Obama continue aujoud'hui de prôner le nucléaire comme une « partie très importante du mix énergétique » (20% de la production d'électricité des Etats-Unis).

Et l'Europe dans tout ça?

Dans la foulée des événements du Japon, l’Union européenne a de son côté décidé de lancer des tests de résistance sur ses centrales nucléaires durant le deuxième semestre 2011. Le gouvernement allemand a par ailleurs annoncé mardi la fermeture immédiate et pour trois mois de tous les réacteurs mis en service en Allemagne avant la fin 1980 (au nombre de sept), dans l’attente d’une évaluation des risques. 

mercredi 9 mars 2011

Mike Huckabee: le pari des républicains en 2012?

Si le candidat démocrate pour les élections présidentielles américaines du 6 novembre 2012 ne fait pas l’ombre d’un doute, aucun « leader » n’a pour l’instant véritablement émergé du côté républicain. Une situation inédite depuis 1952 qui témoigne d’une crise d’identité du parti de l’éléphant.  

La liste est longue : dans un sondage réalisé fin février par l’institut Gallup auprès de 1326 républicains et indépendants, pas moins de douze noms sont retenus pour devenir de potentiels candidats aux primaires du parti républicain qui débuteront en janvier 2012. Mais aucun ne parvient à franchir la barre des 20%. Seuls trois se détachent légèrement du lot : Mike Huckabee recueille 18% des voix, suivi de Mitt Romney et Sarah Palin tous deux bloqués à 16%. Qui sont ces trois « présidentiables » en puissance?

Le premier, Mike Huckabee, 56 ans, était gouverneur de l’Arkansas de 1996 à 2007 et candidat malheureux à l’investiture républicaine pour les présidentielles de 2008 (il arriva troisième derrière John McCain et Mitt Romney). Aujourd’hui présentateur vedette d’une émission sur Fox News, cet ancien pasteur baptiste, sceptique quant à la théorie de l’évolution, a récemment déclaré sur une station de radio newyorkaise qu’en « ayant grandi au Kenya », les « vues du Président Obama, sur les Britanniques par exemple, sont très différentes de celles de l’Américain moyen », ajoutant qu’il aimerait « en savoir plus sur l’endroit exact où le Président est né ».

Palin a perdu des points depuis Tucson

Huckabee a dû, quelques jours après, revenir sur ses propos car Barack Obama est né et a grandi à Hawaii (avec un passage par l’Indonésie), son père étant Kenyan et sa mère Américaine. Le potentiel candidat s’est également illustré en affirmant devant des étudiants en journalisme qu’autoriser le mariage gay était comme légaliser l’inceste, l’usage de drogues ou la polygamie, arguant au passage que les couples de même sexe ne peuvent pas élever d’enfants car ces derniers « ne sont pas des chiots ». Il a par ailleurs critiqué l’actrice oscarisée Natalie Portman pour sa « grossesse visible » alors qu’elle n’est même pas mariée.


Mike Huckabee interviewé
en direct à la télé le 28 février

Derrière Huckabee, arrive Mitt Romney, 64 ans, businessman élevé dans la foi mormone, qui fut gouverneur du Massachusetts de 2003 à 2007. Sur le plan politique, Romney apparaît plutôt comme un modéré - il était d’ailleurs indépendant avant d’entrer en politique en 1994. A cette époque, il se disait conservateur fiscal (pour la restriction des dépenses et des taxes) et tolérant sur la question des droits civiques comme l’avortement ou les droits des homosexuels. Toutefois, ses positions en matière sociétale (IVG, mariage gay, recherche sur les cellules souches, etc.) sont devenues opportunément plus conservatrices à la fin de son mandat de gouverneur et au moment de sa candidature pour les primaires du parti républicain début 2008. Romney semble aujourd'hui plus motivé que jamais pour se lancer à nouveau dans la bataille et a déjà amassé beaucoup d’argent pour sa future campagne.

Enfin, en troisième position, on retrouve l’incontournable Sarah Palin, 47 ans, gouverneure de l’Alaska de 2006 à 2009, qui aurait pu devenir vice-Présidente des Etats-Unis si John McCain avait été élu à la Maison Blanche en 2008. Alors qu’elle figurait jusqu’il y a peu encore comme la future nominée républicaine de 2012, l’égérie du Tea Party semble avoir laissé des plumes dans la fusillade tragique de Tucson, en janvier dernier, qui a fait six morts et blessé à la tête la parlementaire démocrate d’Arizona Gabrielle Giffords. Palin a en effet été fermement critiquée pour avoir diffusé des messages violents durant la campagne pour les élections de mi-mandat en novembre, en publiant notamment sur Internet une carte des cibles à éliminer qui pointait dans un viseur de revolver plusieurs districts aux mains des démocrates dont celui de Giffords. Même si Palin a nié ces accusations et retiré le site incriminé, elle a, semble-t-il, perdu des points dans les sondages.

Les dégâts de l'administration Bush

Le sondage Gallup laisse apparaître plus loin derrière ces trois présidentiables une dizaine d’autres candidats potentiels dont l’ex-président de la Chambre des représentants Newt Gingrich (9%), le parlementaire du Texas Ron Paul (5%) ou la députée du Minnesota Michele Bachmann (4%) qui avait ostensiblement délivré en janvier la réponse du Tea Party au discours sur l’état de l’Union du Président Obama, se démarquant de la réponse officielle des républicains (malheureusement pour elle, elle regardait la mauvaise caméra…). Au final, aucun « front runner » (coureur de tête) ne se dégage à ce stade, ce qui n’est plus arrivé depuis 1952. Lors des dix courses républicaines ayant eu lieu entre 1952 et 2008, à chaque fois une figure s’est détachée du lot à cette étape de la campagne et dans la plupart des cas elle a remporté les primaires qui ont suivi. 2008 est la seule année où le nom du candidat final, en l’occurrence John McCain, a émergé si tard.

Cette dispersion des voix et cette absence de leader naturel ou charismatique révèlent une perte de repère de l’électorat conservateur ainsi qu'une crise d'identité du parti républicain qui cherche à se redéfinir après les huit années impopulaires d’administration Bush. L’émergence du Tea Party y est sans doute aussi pour quelque chose car si ce mouvement populiste et anti-taxation a redynamisé le parti républicain, elle l'a également déchiré en son sein - les nouveaux élus Tea Party tentant sur bien des aspects de se démarquer de leurs confrères traditionnels (on l'a vu dernièrement dans les négociations budgétaires). Toutefois, certains experts prédisent que le parti républicain reviendra en force en 2016 avec des candidats redoutables notamment issus du Tea Party - comme le sénateur de Floride Marco Rubio - qui sont aujourd'hui trop jeunes en politique pour se présenter. 

Mais pour l'heure, la situation reste plus que favorable à Barack Obama qui est le seul candidat démocrate à ce stade, même si sa candidature n'a pas encore été officiellement annoncée.

jeudi 3 mars 2011

L’arrêt total du gouvernement évité de justesse

Soupir de soulagement: l’arrêt total du gouvernement américain faute d’accord sur le budget fédéral 2011 a été évité de justesse mercredi. Républicains et démocrates ont entériné in extremis un compromis visant à prolonger de deux semaines le financement temporaire de l’Etat qui arrive à échéance ce 4 mars. Tout le défi pour les deux partis sera de parvenir à un accord global sur le reste de l’année 2011 d’ici le 18 mars. 

Un  arrêt du gouvernement ne serait pas forcément
favorable à la Maison Blanche comme en 1995
(Photo C.S.)
A deux jours près, l’épisode de 1995 était renouvelé. Cette année-là, suite à l’absence d’accord sur le budget entre le Président démocrate Bill Clinton et le Congrès majoritairement républicain, le gouvernement ainsi que toutes les agences fédérales du pays avaient cessé de fonctionner pendant plus de 20 jours, condamnant quelque 200 000 employés à rester chez eux sans recevoir de salaire. Seuls les services « essentiels », dont ceux liés à la sécurité nationale, avaient pu continuer à tourner. Mais les retraités et vétérans ne pouvaient plus recevoir leur pension, aucun Américain ne pouvait s’enregistrer à la sécurité sociale, le Département d’Etat ne délivrait plus de passeport ni de visa, tandis que tous les parcs et musées gardaient portes closes.

Les archives des journaux de l’époque rapportent même que dans  le zoo national de Washington DC des kilos de fumier d’éléphant commençaient à s'empiler, faute d’employés pour les ramasser et les porter au compostage... Sur le plan économique la facture avait été salée sans parler du désastre en terme d'impact politique: la première puissance mondiale se retrouvant à l'arrêt avec un gouvernement complètement paralysé! 

Rapport de Goldman Sachs

Rares sont donc ceux qui veulent revivre un tel épisode, aussi bien du côté des démocrates que des républicains. Selon un sondage paru dans le Washington Post cette semaine, en 1995, 46% des Américains avaient fait retomber la faute sur le Congrès républicain de l'époque (notamment sur le président de la Chambre Newt Gingricht) tandis que 27% seulement avaient blâmé l’administration Clinton. Aujourd’hui, la situation semble plus floue: 36% des Américains interrogés estiment en effet que les républicains seraient responsables en cas de « shutdown » du gouvernement,  contre 35% qui préfèrent pointer du doigt la Maison Blanche. Chacun a donc tout intérêt à éviter le pire.

Sauf que pour empêcher un nouvel arrêt du gouvernement, il faut d'abord s'entendre sur son financement. Or l’antagonisme entre les deux partis sur cette question, en particulier sur la réduction des dépenses publiques, est si grand qu'atteindre un accord semble relever de la mission impossible. Le vote du budget de l’année fiscale 2011 (qui s’achève le 30 septembre) devait en théorie avoir lieu à l’automne dernier. Mais avec les élections de mi-mandat et la mise en place du nouveau Congrès, les élus sortants ne sont pas parvenus à l’adopter dans sa totalité. Ils ont simplement voté une résolution visant à étendre le financement de l’Etat jusqu’au 4 mars 2011.

Le 19 février, les républicains majoritaires à la Chambre ont bien tenté de mettre sur la table un projet de budget réclamant 61 milliards de dollars de coupes dans les dépenses de l’Etat afin de réduire le déficit colossal du pays. Mais les démocrates majoritaires au Sénat ont refusé d’entériner de telles réductions susceptibles, selon eux, de porter atteinte aux fonctions vitales du gouvernement et de l’économie. Dans leur argumentaire, les démocrates ont brandi un rapport confidentiel de la banque d’investissement Goldman Sachs avertissant ses clients que les coupes réclamées par la Chambre ralentiraient de façon significative la croissance américaine. Le Président Barack Obama lui-même a menacé de poser son veto à un tel projet de budget s’il venait à se retrouver sur sa table. Aucun n'accord n'est donc sorti de cette bataille, si bien que la rumeur d’un potentiel arrêt du gouvernement a commencé à enfler. 

Couper 4 milliards immédiatement

C’est dans ce contexte que le parti républicain est revenu, en début de semaine, avec une nouvelle proposition de compromis visant à étendre de 15 jours supplémentaires le financement des activités de l’Etat, en sabrant immédiatement 4 milliards de dollars dans les dépenses. Face à l’urgence de la situation, les démocrates ont accepté le « deal », la plupart des réductions proposées touchant à des programmes qu’Obama avait de toute façon l’intention de supprimer ou remplacer. La Chambre a donc adopté cette résolution mardi avec 335 voix pour et 91 contre, suivie du Sénat le lendemain avec 91 voix pour et 9 contre. La nouvelle « deadline » est désormais fixée au 18 mars.

Les deux partis s’accordent à dire qu’il faudra alors impérativement s'entendre sur l’ensemble du budget pour le reste de l’année fiscale 2011. Estimant que « vivre avec la menace d’un arrêt du gouvernement toutes les deux semaines n’est pas responsable et met en danger le progrès de notre économie », Obama a décidé de constituer une équipe au sein de la Maison Blanche, dirigée par le vice-Président Joe Biden, qui sera chargée de négocier avec les leaders républicains et démocrates des deux Chambres. Objectif : faire disparaître une bonne fois pour toutes cette épée de Damoclès au-dessus de la tête du Président.