mercredi 9 février 2011

Un parti républicain écartelé

C’est ce que l’on appelle faire un grand écart : le président de la Chambre des représentants, le républicain modéré John Boehner (Ohio), a déclaré mardi sur une station de radio de Cincinnati qu’il « devrait être considéré comme un membre du Tea Party ». Alors que d’importantes échéances se profilent, ce dernier cherche à reconquérir l'aile la plus conservatrice de son parti pour retrouver un semblant d'unité.

Elu « Speaker of the House » le 5 janvier, Boehner a remplacé au perchoir la démocrate Nancy Pelosi (Californie) suite à la victoire des républicains aux élections de mi-mandat du 2 novembre. L’enthousiasme suscité au sein de la population par le mouvement ultraconservateur du Tea Party - qui appelait durant la campagne à moins d’impôts, moins de dépenses publiques et moins d’intervention de l’Etat - a largement aidé les républicains à battre leurs adversaires cet automne. Sur les 60 sièges supplémentaires qu’ils ont décrochés à la Chambre, 28 étaient en effet soutenus par le Tea Party.

Manifestants anti-Tea Party le 2
octobre à Washington (Photo R.P.)
Un tel raz-de-marée ne pouvait rester sans conséquence sur la cohérence interne du parti. Désireux de faire entendre leur voix et de « respecter les promesses de campagne », de nombreux « freshmen » (nouveaux élus) issus du Tea Party ont depuis janvier commencé à se démarquer du discours traditionnel du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain). Ils ont notamment reproché à Boehner et ses confrères de ne pas se montrer suffisamment agressifs dans les coupes à opérer sur les dépenses  gouvernementales.

Selon eux, la réduction de 32 milliards de dollars au budget 2011 réclamée par le président républicain de la commission des budgets de la Chambre, Paul Ryan (Wisconsin), ne va pas assez loin comparée au chiffre de 100 milliards brandi par le GOP durant la campagne. Le 25 janvier dernier, les membres du Tea Party ont par ailleurs choisi Michele Bachmann, du Minnesota, pour délivrer leur propre réponse au discours sur l’état de l’Union du Président Obama,  se démarquant ainsi de la voix officielle des républicains portée par Paul Ryan (voir article précédent).

Premier échec des républicains

Hier, cette tension latente a éclaté pour aboutir au premier grand échec du parti républicain depuis qu’il est aux commandes de la Chambre. Suite à la défection d’une partie de ses membres issus essentiellement du Tea Party, le GOP n’est en effet pas parvenu à faire adopter la prolongation du très controversé « Patriot Act ». Cette loi anti-terroriste, signée sous l’administration Bush en 2001 dans la foulée des attentats du 11 septembre, vise notamment à renforcer le pouvoir des agences fédérales telles que le FBI ou la CIA. Ce qui, aux yeux de certains Tea Partiers, est synonyme de trop d’intervention de l’Etat.

Face à ces divisions internes, Boehner tente donc de maintenir un semblant de cohésion. Les propos qu'il a tenus en direct sur l'une des radios locales de son Etat en sont l’illustration. Lors de cette interview, le président de la Chambre a également ajouté qu’il « croyait grandement » aux idées défendues par le Tea Party et qu’il était en contact permanent avec les chefs de ce mouvement né en 2008 au lendemain de l’élection de Barack Obama.

S'ils ne sont pas rapidement dépassés, ces désaccords pourraient devenir un handicap pour le parti républicain lors de la campagne présidentielle qui débutera officiellement en septembre. Déjà, lors de la campagne pour les élections de mi-mandat l'automne dernier, la question de l’influence du Tea Party - dont le nom se réfère aux révoltés américains de 1773 qui avaient jeté des cargaisons de thé à la mer pour protester contre les impôts de l’Empire britannique - faisait débat. 

Le double effet Tea Party

Selon la journaliste du New York Times Kate Zernike, auteur du livre « Boiling Mad » sur le Tea Party, l’ « énergie » suscitée par ce mouvement aux racines populaires demeure contrebalancée par l’ « extrémisme » de ses membres, qui tend à repousser les électeurs modérés. En novembre, on a ainsi pu constater que dans certains Etats les piètres prestations de candidats républicains affiliés Tea party ont été bénéfiques aux démocrates. L'exemple le plus frappant est celui de Christine O’Donnell, concourant pour le Sénat dans le Delaware, qui s’est ridiculisée en démarrant l’un de ses clips de campagne par la phrase « I'm not a witch » (Je ne suis pas une sorcière).

Dans d’autres Etats au contraire, les candidats Tea Party ont su remotiver des électeurs républicains désenchantés grâce à des discours anti-establishment. Et ce, malgré les mises en garde des organisations de défense des droits civiques avertissant que le Tea Party offrait « une plateforme aux antisémites, aux racistes et aux fanatiques » (voir le rapport de la NAACP).

John Boehner devrait  donc continuer à faire des appels du pied à ce mouvement susceptible de ramener des électeurs en 2012 et avec qui il faut désormais compter. Plusieurs élus Tea Party sont d’ailleurs déjà en lice pour les primaires du parti républicain, prévues début 2012.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à commenter!