mercredi 16 février 2011

Le budget de la discorde

Les négociations budgétaires vont être le sujet de tension de ces prochaines semaines entre la Maison Blanche et le Congrès. Les coupes proposées par le Président en 2012 sont loin de satisfaire les élus républicains qui les jugent insuffisantes et irresponsables face à la dette du pays. Ces derniers essaient en parallèle de couper 61 milliards de dollars de dépenses fédérales en 2011.

Le démocrate Barack Obama a présenté mardi devant la Chambre puis le Sénat son projet de budget pour l’année fiscale 2012, qui démarre le 1er octobre. Le texte prévoit un montant de 3,7 trillions de dollars avec des investissements dans de nombreux chantiers annoncés par le chef de l’Etat dans son discours sur l’état de l’Union le 25 janvier (voir article antérieur). C’est le cas de l’éducation, des énergies dites « propres », de la recherche ou des infrastructures avec notamment le projet de construction d’un train à grande vitesse et une initiative visant à rendre plus efficaces les réseaux Internet sans fil. Autant de domaines considérés comme « nécessaires pour assurer notre futur » et aider les entreprises américaines à rester « compétitives », selon les mots du Président.

Le projet de budget 2012: l'énorme document
fait plusieurs milliers de pages  (Photo R.P.)
Le projet de loi avance par ailleurs d’importantes coupes budgétaires afin de rétrécir le déficit colossal du pays qui, en 2011, devrait friser les 1650 milliards de dollars (10,9% du PIB !). Les réductions portent sur la suppression ou la suspension de 200 programmes fédéraux jugés inefficaces, obsolètes ou duplicatifs. Obama propose en outre un gel de cinq ans du budget de nombreuses agences gouvernementales et une diminution de 78 milliards sur cinq ans des dépenses pour le Pentagone. Le Président reconnaît que certaines coupes ont été « douloureuses » car elles touchent à des secteurs défendus par son administration comme les allocations pour le chauffage des foyers défavorisés, les bourses d’enseignement supérieur ou certains aspects du programme Medicare pour les personnes âgées. Mais selon lui « atteindre nos objectifs fiscaux nécessite des sacrifices de la part de tous ».

Si deux tiers des économies proposées viennent de réductions de dépenses, un tiers est issu d’augmentations de taxes avec notamment l’élimination des avantages fiscaux dont bénéficiaient jusqu’à présent les groupes pétroliers et gaziers (autre projet annoncé dans le discours sur l’état de l’Union). La Maison Blanche a aussi indiqué qu’elle comptait abandonner en 2012 les réductions d’impôts pour les ménages les plus riches remontant à l’ère Bush. L’objectif global de l’administration Obama est ainsi de réduire le déficit de 1,1 trillion de dollars dans les dix prochaines années.

« Le pays précipité vers la banqueroute »

Face à ces coupes sévères, les plus à gauche des démocrates ont regretté que certains programmes d’aides sociales soient sacrifiés alors que les « millionnaires de Wall Street » continuent de bénéficier de réductions fiscales. Allusion faite au compromis bipartisan décroché en décembre visant à prolonger de deux ans toutes les baisses d’impôts y compris celles des plus riches. Chris Van Hollen, élu démocrate de la commission des budgets de la Chambre (Maryland), estime néanmoins qu’une majorité de démocrates devrait soutenir le gel des dépenses.

Du côté des adversaires républicains, les attaques ont fusé dans tous les sens dès la publication du texte d’Obama lundi. Les critiques portent aussi bien sur les augmentations d’impôts, que sur les nouveaux investissements annoncés, ou sur les réductions de dépenses considérées comme bien trop faibles dans le contexte actuel. « Le Président a échoué à combattre les menaces fiscales et économiques urgentes auxquelles nous faisons face », a lancé le puissant président de la commission des budgets de la Chambre Paul Ryan (Wisconsin), ajoutant que ce projet de loi « précipite le pays vers la banqueroute ». Le leader de la minorité républicaine au Sénat Mitch McConnell (Kentucky) a quant à lui qualifié le texte d’« irresponsable » et de « pas sérieux ».

La Chambre, qui depuis les élections de mi-mandat en novembre est passée aux mains des républicains, va rédiger sa propre résolution sur le budget 2012 d’ici avril. Celle-ci devra être approuvée par le Sénat (encore dominé par les démocrates) pour devenir le programme officiel des dépenses en 2012 sans avoir à être signée par le Président. La bataille est donc lancée et ce, alors même que démocrates et républicains essaient toujours de s'entendre sur le financement des sept derniers mois de l’année fiscale 2011. Ils ont jusqu’au 4 mars pour y parvenir. En décembre, le budget 2011 n’avait en effet été qu’en partie adopté en raison des chamboulements dus à la mise en place du nouveau Congrès.

Risque d’un arrêt du gouvernement ?

Le but des républicains de la Chambre est de faire voter cette semaine une réduction des dépenses pour 2011 de l’ordre de 61 milliards de dollars par rapport à 2010. Les ultraconservateurs du Tea Party, qui ont grandement participé à la victoire des républicains en novembre, ont bataillé ferme pour pousser leurs confrères à être plus agressifs et à porter les coupes à 100 milliards de dollars.

Mais la Maison Blanche estime que ces réductions vont déjà bien trop loin et risquent de miner les fonctions vitales du gouvernement ainsi que les investissements clés dans la croissance économique et la création d’emplois. Si Obama a jusqu’à présent affiché sa volonté de négocier avec le Congrès, il pourrait menacer de poser son veto à la résolution sur le budget 2011. L’épreuve de force devrait se poursuivre avec au final le risque, si aucun accord ne ressort, d’un arrêt du gouvernement durant plusieurs jours comme ce fut le cas sous l’administration Clinton à la fin de l’année 1995.

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