lundi 7 février 2011

Nouvelle-Orléans: la ville qui plie mais ne rompt pas

Plus de cinq ans après l’ouragan Katrina qui a poussé 200 000 personnes à fuir la Nouvelle-Orléans, la capitale du jazz fondée en 1718 par les Français n’a pas retrouvé le niveau de population qu'elle avait avant la catastrophe et peine à se reconstruire. Mais ses habitants gardent confiance dans l'avenir. 

Jazz et fleur de lys, les deux symboles
de la Nouvelle-Orléans (Photo C.S.)
Dans les rues de la ville, le compte à rebours a commencé: plus que 28 jours avant le lancement des célèbres festivités de Mardi Gras. Cette fête demeure, avec le Festival international de jazz au printemps, l'un des points culminants de la vie culturelle et artistique de la Nouvelle-Orléans. Commerçante au cœur du vieux « Quartier français », Caryl attend avec impatience l'événement qui attire en général beaucoup de touristes. Elle se dit fière de l’identité de sa ville natale et de la force avec laquelle elle s'est remise de l’ouragan Katrina, qui a laissé derrière lui 1330 morts à la fin du mois d’août 2005. 

La maison de Caryl n’a pas été détruite mais elle se rappelle attendre chez elle, dans le noir, en entendant son lustre trembler. Télévisions et téléphones portables ne fonctionnant plus, elle était incapable d’imaginer l’ampleur de la catastrophe. A tel point que lorsque sa sœur résidant à Nashville, Tennessee, est parvenue à la joindre pour la pousser à quitter la ville, elle ne l’a pas immédiatement prise au sérieux. Elle comprit très vite que 85% de la Nouvelle-Orléans avait en fait été envahi par les eaux et que des gens tentaient de survivre en se réfugiant sur le toit de leur maison. Caryl finira par partir vivre chez des proches dans l’Arkansas en attendant que l'électricité soit rétablie et que le calme revienne, des actes de vandalisme ayant commencé à se mêler à la panique ambiante.

Une catastrophe causée par l'homme

Si cette restauratrice a tenu à revenir dans sa ville trois mois plus tard, d’autres ne sont jamais rentrés. Par peur d’un nouvel ouragan ou par manque d’argent pour reconstruire leur maison. D’après les chiffres du recensement de 2010 publiés la semaine dernière, la capitale économique de la Louisiane a ainsi perdu 140 845 résidents soit 29% de sa population par rapport à 2000. Le pourcentage de la population noire a quant à lui chuté de 67,3% à 60,2% - les Africains-Américains des quartiers pauvres de la périphérie ayant été les plus touchés par l’ouragan. Conséquence directe de ces chiffres: l’Etat de Louisiane devrait prochainement se voir amputer d'un siège au Congrès de Washington et ne disposer plus que de six députés au lieu de sept à la Chambre des représentants.

Sculpture réalisée en l'honneur
des victimes (Photo C.S.)
Silva est guide touristique depuis vingt ans. Lors de Katrina, elle n'a cessé de faire des allers-retours avec le bus de sa compagnie pour évacuer des personnes en danger. Aujourd’hui, elle arpente les rues de la ville toujours avec le même bus mais pour montrer désormais aux touristes étrangers les rangées de maisons détruites abandonnées que le gouvernement menace de raser. Les ravages de l’ouragan sont devenus une attraction. A l’origine, l’argent récolté par ces visites guidées était dédié à la reconstruction mais ce n’est plus le cas car la Nouvelle-Orléans a connu entre-temps d’autres catastrophes qui l’ont affaiblie sur le plan économique: la crise financière et la marée noire du golfe du Mexique.

Au volant de son véhicule, Silva dénonce haut et fort ce qu’elle appelle une « tragédie causée par l’homme ». Selon elle en effet, les barrages de protection rénovés entre 2001 et 2003 ont été bâtis de façon totalement inefficace et avec le souci du moindre coût. Elle regrette aussi que la reconstruction traîne dans certains quartiers et qu'à peine un quart des 4200 établissements publics démolis par la tempête ait été remis à neuf. Mais la guide tient à expliquer aux touristes que d’autres quartiers ont à l’inverse repris vie grâce aux efforts des habitants et à la solidarité de bénévoles venus du monde entier.

« Les gens reviendront »

Une centaine de maisons aux façades colorées a notamment été reconstruite pour abriter des musiciens de jazz, cœur de la culture de la Nouvelle-Orléans. « Dans quelques années le tourisme reprendra fortement », insiste-t-elle, convaincue que de la tragédie une nouvelle ville est née, plus forte et plus soudée pour affronter l’avenir. « Les gens reviendront, j’en suis sûre ».

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