vendredi 25 février 2011

Sursaut populaire dans le Wisconsin

Un vent de révolution souffle sur le Wisconsin. Depuis dix jours, des dizaines de milliers de fonctionnaires manifestent contre le projet de loi du gouverneur républicain Scott Walker visant à réduire drastiquement leur droit de négocier des conventions collectives. Un épisode historique dans le pays qui témoigne de la frustration profonde d’une partie de la population affaiblie par la crise.

Manifestation de travailleurs à Madison
(crédit: CindyH Photography)
Depuis qu’ils campent dans le grand hall d'entrée du parlement de Madison, la capitale de l'Etat, les grévistes n’ont pas hésité à brandir des slogans se référant aux révolutions qui embrasent actuellement le monde arabe. « Hosni Walker », peut-on ainsi lire sur les pancartes, ou encore « Si l’Egypte peut avoir une démocratie, pourquoi le Wisconsin ne le peut pas ? ». Internet est également mis à contribution puisque le site http://www.minimubarak.com/ a été créé la semaine dernière au moment où le gouverneur Walker menaçait de faire appel aux gardes nationaux pour disperser la foule.

Ce qui a mis le feu aux poudres dans cet Etat glacial du nord des Etats-Unis c'est la proposition de loi du gouverneur conservateur d’augmenter de 8% en moyenne les cotisations retraite et santé des fonctionnaires et de réduire comme peau de chagrin le pouvoir des syndicats de négocier avec les employeurs des conventions collectives. Le texte vise aussi à instaurer un système dans lequel les salariés voteraient chaque année pour dire s'ils continuent à adhérer aux syndicats. 

Elu le 2 novembre dernier (37 gouverneurs d’Etat étaient renouvelés en même temps que se tenaient les élections de mi-mandat du Congrès fédéral), Scott Walker justifie ce texte par le besoin urgent de réduire le déficit budgétaire colossal de son Etat qui frise les 137 millions de dollars. Sauf que s’en prendre aussi brutalement à 50 ans d'acquis sociaux ne pouvait rester sans réaction. Des dizaines de milliers de fonctionnaires, dont les professeurs et les pompiers, se sont ainsi mis en grève dès l’annonce du projet de loi - leur nombre atteignant jusqu’à 68 000 personnes dans la rue samedi dernier. Les manifestants arguent que ce n’est pas la suppression des droits syndicaux qui va combler le trou du déficit. De plus, si ce trou est si massif c’est parce que Walker l'a aggravé en réclamant dès son arrivée des baisses d’impôts d’une valeur de 140 millions de dollars principalement destinées aux plus aisés.

Les sénateurs démocrates locaux s'enfuient 

Face à cette contestation populaire reprise sur toutes les télévisions du pays, le gouverneur soutenu par le Tea Party n'a toujours pas bougé. Au contraire : enregistré sans le savoir lors d’une conversation téléphonique, il a laissé entendre que ce n’était que le début de nombreuses batailles, que d’autres gouverneurs républicains avaient l’intention de proposer des mesures similaires notamment dans l’Ohio et que le « moment » était venu « de changer le cours de l’histoire ». Walker, qui a reçu lors d’une conférence mercredi une véritable standing ovation de la part des groupes industriels les plus puissants du Wisconsin, a par ailleurs averti publiquement que les syndicats devraient faire des concessions sinon quelque 6000 fonctionnaires pourraient être licenciés.

Les syndicats, qui ne représentent qu’un petit pourcentage des manifestants, ont répliqué qu’ils étaient prêts à faire des sacrifices sur les prestations sociales mais ont catégoriquement refusé de céder sur la question des conventions collectives. Défendant ce même point de vue, les 14 élus démocrates du Sénat local se sont quant à eux littéralement enfuis du Wisconsin pour se cacher dans un autre Etat - en l’occurrence l’Illinois voisin - afin que la Chambre haute locale n’ait pas le quorum nécessaire pour mettre aux voix le projet de loi. Les 19 élus républicains du Sénat sont furieux car le quorum est de 20 personnes. Ils ont bien tenté de lancer la police aux trousses des fugitifs pour essayer d’en récupérer au moins un, mais en vain. Une situation quasi ubuesque…

Alors que l'assemblée locale a adopté le projet de loi jeudi soir et que le texte doit à présent être transmis au Sénat, les 14 sénateurs démocrates restent le dernier espoir des manifestants. Ils ont fait savoir qu'ils ne reviendraient que lorsque Walker accepterait de lâcher du lest et de rechercher un compromis.

Des travailleurs harassés et frustrés

L’ensemble de cet épisode, historique pour le pays qui ne connaît que très rarement de telles grèves, illustre plusieurs réalités. Tout d'abord, l'arrogance de certains dirigeants locaux soutenus par de puissants groupes industriels qui pensent pouvoir, sans obstruction, supprimer des décennies d’acquis sociaux au prétexte de la réduction du déficit. Pour le Prix Nobel d'Economie Paul Krugman, ce qui se passe dans le Wisconsin n'est d'ailleurs pas une question de rigueur fiscale mais bien de lutte de pouvoir menée par ceux qui essaient de faire du Wisconsin, et à terme de l'Amérique, « moins une démocratie qui fonctionne qu'une oligarchie du tiers monde » (voir l'article du New York Times).

Les événements du Wisconsin témoignent aussi d'un réveil populaire de la part de travailleurs affaiblis par les effets de la crise économique et moralement frustrés d'être toujours les premiers à devoir se serrer la ceinture. Ils révèlent enfin la guerre menée par le parti républicain pour se débarrasser définitivement du monde syndical, aujourd’hui divisé et en effectifs réduits mais demeurant l’une des principales sources de financement et de soutien électoral du parti démocrate.

Le Président Barack Obama n’a jusqu’à présent que faiblement pris position en faveur des syndicats. Il se trouve dans une situation délicate, partagé entre la volonté de soutenir les revendications des travailleurs et de respecter sa promesse de réduire le déficit public du pays. Si toutefois, comme cela est annoncé, de nouvelles grandes manifestations venaient à naître dans les capitales d’autres Etats, il pourrait se voir contraint d'hausser le ton. 

3 commentaires:

  1. D'abord, pardonnez-moi mon francais mais il faut absolument que j'essaie ecrire au peuple francais, qui j'admire beaucoup. C'est triste ici en amerique maintenant. je suis fier des citoyons de wisconsin mais j'ai peur que le bataille est perdu. le parti republican a gagne est c'est encore fini.
    L'amerique c'est un corprotacracie; les corporations vend les politicians et elles controle tout maintenant.
    Les syndicats sont les derniers qui travaille pour le parti democrate donne l'argent pour elections...et c'est le dernier but du parti republican - detruire les syndicats. detruire les syndicats veut dire le fin de parti democrate. Les republicans veut etre le seul parti avec tout le pouvoir. Et ils ont reussi.
    Avec le cours supreme ruling, CITIZENS UNITED, les corporations peut donner l'argent aux politicians (republicans bien sur) en secret, essentiallement elles peuvent acheter leurs politcians. Aurevoir democrates...aurevoir amerique.
    Nous sommes ice maintenant comme vous etiez avant votre revolution, avec le riche controlant toute l'argent et toute le pouvoir, 2% qui ont tout, est le reste avec rien et peur de perdre leur travaille s'ils luttent.
    Finalement, on a fox news, la bouche extreme droite, quasi fasciste, du parti republican. C'est pour la majorite, dans l'interior conservatrice mais aussi dans les grande villes, leurs source de nouvelles, mais c'est du monsonge. Apres ca, tout le monde est trop presse avec le tele, american idol et les sport, de savoir la realite politique. Vous, vous francais, vous manifestez dans le rue. Nous sommes trop tard, trop distracted avec la tele et nos joues de manifester.
    Je vais manifester aujourd'hui mais je suis triste...c'est simplement trop tard je crois.

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  2. Merci Célia, c'est la classe cette fuite secrète, j'adore.
    ah Minimubarak, quel humaniste.

    @anon: bon courage..

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  3. Les dizaines de milliers de personnes qui sont dans la rue dans le Wisconsin (et aussi dans d'autres Etats) vont peut-être changer la vie politique américaine, ne croyez-vous pas ? Le gouverneur Walker va peut-être reculer et alors ce sera une victoire des syndicats et des Démocrates, non?
    Bon courage en tout cas !

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