jeudi 3 mars 2011

L’arrêt total du gouvernement évité de justesse

Soupir de soulagement: l’arrêt total du gouvernement américain faute d’accord sur le budget fédéral 2011 a été évité de justesse mercredi. Républicains et démocrates ont entériné in extremis un compromis visant à prolonger de deux semaines le financement temporaire de l’Etat qui arrive à échéance ce 4 mars. Tout le défi pour les deux partis sera de parvenir à un accord global sur le reste de l’année 2011 d’ici le 18 mars. 

Un  arrêt du gouvernement ne serait pas forcément
favorable à la Maison Blanche comme en 1995
(Photo C.S.)
A deux jours près, l’épisode de 1995 était renouvelé. Cette année-là, suite à l’absence d’accord sur le budget entre le Président démocrate Bill Clinton et le Congrès majoritairement républicain, le gouvernement ainsi que toutes les agences fédérales du pays avaient cessé de fonctionner pendant plus de 20 jours, condamnant quelque 200 000 employés à rester chez eux sans recevoir de salaire. Seuls les services « essentiels », dont ceux liés à la sécurité nationale, avaient pu continuer à tourner. Mais les retraités et vétérans ne pouvaient plus recevoir leur pension, aucun Américain ne pouvait s’enregistrer à la sécurité sociale, le Département d’Etat ne délivrait plus de passeport ni de visa, tandis que tous les parcs et musées gardaient portes closes.

Les archives des journaux de l’époque rapportent même que dans  le zoo national de Washington DC des kilos de fumier d’éléphant commençaient à s'empiler, faute d’employés pour les ramasser et les porter au compostage... Sur le plan économique la facture avait été salée sans parler du désastre en terme d'impact politique: la première puissance mondiale se retrouvant à l'arrêt avec un gouvernement complètement paralysé! 

Rapport de Goldman Sachs

Rares sont donc ceux qui veulent revivre un tel épisode, aussi bien du côté des démocrates que des républicains. Selon un sondage paru dans le Washington Post cette semaine, en 1995, 46% des Américains avaient fait retomber la faute sur le Congrès républicain de l'époque (notamment sur le président de la Chambre Newt Gingricht) tandis que 27% seulement avaient blâmé l’administration Clinton. Aujourd’hui, la situation semble plus floue: 36% des Américains interrogés estiment en effet que les républicains seraient responsables en cas de « shutdown » du gouvernement,  contre 35% qui préfèrent pointer du doigt la Maison Blanche. Chacun a donc tout intérêt à éviter le pire.

Sauf que pour empêcher un nouvel arrêt du gouvernement, il faut d'abord s'entendre sur son financement. Or l’antagonisme entre les deux partis sur cette question, en particulier sur la réduction des dépenses publiques, est si grand qu'atteindre un accord semble relever de la mission impossible. Le vote du budget de l’année fiscale 2011 (qui s’achève le 30 septembre) devait en théorie avoir lieu à l’automne dernier. Mais avec les élections de mi-mandat et la mise en place du nouveau Congrès, les élus sortants ne sont pas parvenus à l’adopter dans sa totalité. Ils ont simplement voté une résolution visant à étendre le financement de l’Etat jusqu’au 4 mars 2011.

Le 19 février, les républicains majoritaires à la Chambre ont bien tenté de mettre sur la table un projet de budget réclamant 61 milliards de dollars de coupes dans les dépenses de l’Etat afin de réduire le déficit colossal du pays. Mais les démocrates majoritaires au Sénat ont refusé d’entériner de telles réductions susceptibles, selon eux, de porter atteinte aux fonctions vitales du gouvernement et de l’économie. Dans leur argumentaire, les démocrates ont brandi un rapport confidentiel de la banque d’investissement Goldman Sachs avertissant ses clients que les coupes réclamées par la Chambre ralentiraient de façon significative la croissance américaine. Le Président Barack Obama lui-même a menacé de poser son veto à un tel projet de budget s’il venait à se retrouver sur sa table. Aucun n'accord n'est donc sorti de cette bataille, si bien que la rumeur d’un potentiel arrêt du gouvernement a commencé à enfler. 

Couper 4 milliards immédiatement

C’est dans ce contexte que le parti républicain est revenu, en début de semaine, avec une nouvelle proposition de compromis visant à étendre de 15 jours supplémentaires le financement des activités de l’Etat, en sabrant immédiatement 4 milliards de dollars dans les dépenses. Face à l’urgence de la situation, les démocrates ont accepté le « deal », la plupart des réductions proposées touchant à des programmes qu’Obama avait de toute façon l’intention de supprimer ou remplacer. La Chambre a donc adopté cette résolution mardi avec 335 voix pour et 91 contre, suivie du Sénat le lendemain avec 91 voix pour et 9 contre. La nouvelle « deadline » est désormais fixée au 18 mars.

Les deux partis s’accordent à dire qu’il faudra alors impérativement s'entendre sur l’ensemble du budget pour le reste de l’année fiscale 2011. Estimant que « vivre avec la menace d’un arrêt du gouvernement toutes les deux semaines n’est pas responsable et met en danger le progrès de notre économie », Obama a décidé de constituer une équipe au sein de la Maison Blanche, dirigée par le vice-Président Joe Biden, qui sera chargée de négocier avec les leaders républicains et démocrates des deux Chambres. Objectif : faire disparaître une bonne fois pour toutes cette épée de Damoclès au-dessus de la tête du Président.

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