dimanche 13 novembre 2011

Quand la torture divise les candidats républicains

Onzième débat télévisé entre les candidats aux primaires républicaines hier soir à Spartanburg, en Caroline du Sud, et tout premier d'entre eux consacré à la politique étrangère. La question de l'usage du "waterboarding" par les services secrets américains a profondément divisé les huit adversaires.
Le débat d'hier avait le mérite d'aller un peu plus dans le fond des dossiers que les précédents rendez-vous du même genre. Si à deux mois du lancement des primaires il n'y a toujours pas de candidat naturel pour incarner le parti de l'éléphant dans la course à la Maison Blanche, l'ex-gouverneur du Massachusetts Mitt Romney reste celui qui fait le plus figure de présidentiable. Parmi les différents sujets abordés, l'ancien businessman de 64 ans élevé dans la foi mormone s'est voulu ferme sur l'Iran, appelant à davantage de sanctions contre le régime des Mollahs et envisageant même une intervention militaire d'Israël ou des Etats-Unis pour empêcher ce pays de se doter de l'arme nucléaire. Vu comme un libéral proche des entreprises plutôt qu'un populiste du Tea Party, Romney a également fait une intervention remarquée sur la Chine qui est entrée selon lui "dans une guerre commerciale" avec les Etats-Unis, réclamant que Pékin arrête de spéculer sur sa monnaie et soit auditionné devant l'Organisation Mondiale du Commerce.
L'ex-gouverneur a en revanche largement évité un sujet sensible qui a divisé les candidats lors du débat: celui de savoir si les services secrets et militaires américains devaient utiliser le "waterboarding" pour interroger des terroristes présumés. Cette technique du Moyen Âge consistant à ligoter la victime sur une planche, à lui recouvrir la tête d'un tissu et à lui verser de l’eau dessus pour la faire suffoquer, a été interdite par le président Barack Obama peu après sa prise de fonctions en 2009. Sur ce point, l'égérie du Tea Party et représentante élue du Minnesota à la Chambre, Michele Bachmann, n'a pas hésité une seconde pour marteler qu'en tant que "Commander-In-Chief" elle autoriserait l'usage de cette méthode qui n'est pas de la torture à ses yeux et reste "très efficace".

Une "méthode d'interrogation poussée"

Herman Cain, l'ex-pdg de la chaîne de restaurants Godfather's Pizza qui demeure haut dans les sondages malgré son implication présumée dans des affaires d'harcèlement sexuel remontant aux années 1990, a également défendu cette pratique qu'il considère simplement comme "une méthode d'interrogation poussée". Le gouverneur du Texas Rick Perry, soucieux de regagner du terrain après sa superbe gaffe trois jours plus tôt dans le Michigan où il avait annoncé qu'en tant que président il souhaiterait éliminer trois ministères sans être toutefois capable de se rappeler le nom du troisième (un "oups" mémorable), a vivement recommandé le waterboarding, lançant d'un ton démagogique: "C'est de la guerre qu'il s'agit. Ce sont des choses qui arrivent en temps de guerre!"
Seul Ron Paul, le vieil élu libertarien du Texas, poussant si loin ses principes de zéro gouvernement qu'il en tomberait presque à gauche, a rappelé que le waterboarding était "illégal selon le droit international" et même "immoral, non civilisé et anti-américain". De même, Jon Huntsman, ancien gouverneur de l'Utah et ex-ambassadeur d'Obama en Chine, parmi les plus modérés des candidats et ayant une vraie expérience de la politique étrangère, a constaté: "nous ne devrions pas torturer. Le waterboarding est de la torture" et si les Etats-Unis s'engagent dans cette voie "nous allons perdre notre capacité à protéger des valeurs que beaucoup de gens aux quatre coins du monde espèrent que nous continuons à défendre". Probablement pour s'assurer du soutien des électeurs les plus conservateurs, Romney aurait finalement assuré un peu plus tard à des journalistes qu'il ne considère pas le waterboarding comme une forme de torture.


Intervention de Ron Paul contre l'usage du waterboarding

Beaucoup d'autres sujets ont été évoqués lors du débat, dont l'Afghanistan, le Pakistan, l'Irak. Sur l'aide financière étrangère des Etats-Unis, Rick Perry a frisé la nouvelle gaffe en assurant qu'il souhaiterait en tant que président "partir de zéro" à ce sujet, y compris en ce qui concerne l'aide à destination d'Israël a-t-il déclaré, ajoutant toutefois très vite que ce pays restait l'un des principaux alliés des Etats-Unis. Herman Cain n'a guère brillé durant tout l'exercice, montrant à peu près aucune connaissance en matière de politique étrangère tandis que l'ancien sénateur de Pennsylvanie, Rick Santorum, est resté quasiment inexistant.

Aucun des opposants de Romney n'a osé cette fois-ci l'attaquer frontalement, tous choisissant plutôt de dénoncer les "dégâts" causés par l'administration Obama. L'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich - qui apparaît désormais dans les sondages comme l'un des premiers adversaires de Romney et se verrait potentiellement sur le ticket pour la vice-présidence des Etats-Unis - s'est même montré presque flatteur. Reste que la politique étrangère n'a jamais été décisive dans des élections américaines et que les prestations des candidats sur le dossier de l'économie pèseront nettement plus dans la balance pour les primaires qui démarreront en janvier dans l'Iowa, le New Hampshire et en Caroline du Sud.


Le mémorable "oops" de Perry lors du débat du 9 novembre dans le Michigan

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