mercredi 13 avril 2011

La guerre civile divise encore le pays

Cent-cinquante ans après le déclenchement de la Guerre de Sécession, les Etats-Unis se déchirent toujours sur les causes de cet épisode douloureux qui coupa le pays en deux de 1861 à 1865 et coûta la vie à 600 000 personnes. Abolition de l’esclavage ou protection des droits des Etats : les interprétations varient du Nord au Sud et de gauche à droite.

Musique, coups de canons et reconstitutions historiques ont marqué ce mardi à Charleston, en Caroline du Sud, le lancement des cérémonies du 150è anniversaire du début de la guerre dite « de Sécession » (« Civil War » en anglais). C’est en effet ici que le conflit démarra, le 12 avril 1861, suite au bombardement par l’armée des Etats Confédérés (Sudistes pro-esclavagistes) du Fort Sumter occupé par la garnison fédérale de l’Union (Nordistes anti-esclavagistes). Si ce point de départ fait l’objet d’un consensus, les causes de la guerre sont, elles, toujours débattues.

Selon un sondage CNN/Opinion Research paru le 12 avril, 52% des Américains estiment que les leaders de la Confédération ont fait sécession afin de maintenir le droit à l’esclavage utilisé à grande échelle dans les Etats du Sud producteurs de coton. Quelque 42% considèrent au contraire que la principale cause de la guerre était la défense du pouvoir des Etats face au gouvernement fédéral. Parmi les personnes interrogées, la plupart des démocrates penchent pour la première raison tandis que les républicains choisissent presque systématiquement la seconde et tendent à réduire l'impact de la question de l'esclavage. 

Un parti républicain à l'origine abolitionniste

Ironie de l’histoire : en 1860 c'est le parti républicain, nouvellement créé, qui défendait en premier lieu la cause abolitionniste. Abraham Lincoln devint cette année-là le premier Président républicain et lutta à la tête des Etats de l’Union pour mettre fin à l’esclavage avant de se faire assassiner le 14 avril 1865 à Washington par des partisans des Confédérés. Le parti des démocrates du Sud était, quant à lui, totalement pro-esclavagiste.  

Reste que le mouvement abolitionniste de l’époque ne prônait pas la suppression de l’esclavage pour des raisons morales mais plutôt économiques. Car les Etats cotonniers du Sud, qui employaient de la main d’œuvre gratuite et corvéable à merci, faisaient concurrence aux Etats manufacturiers du Nord qui, eux, rémunéraient leurs employés. Les motivations des abolitionnistes étaient aussi politiques dans la mesure où les Etats esclavagistes du Sud  se voyaient mieux représentés au Congrès que ceux du Nord, les esclaves étant comptabilisés dans les chiffres de la population (du moins en partie: un Noir équivalait à trois-cinquième d’un Blanc).

La guerre enseignée différemment selon les Etats

Finalement en 1865 les troupes fédérales vinrent à bout des efforts des onze Etats Confédérés. Cette victoire mit fin à l’esclavage, restaura l'Union et renforça au passage le rôle du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, 25% de la population américaine garde malgré tout de la sympathie pour la cause sécessionniste. Ce chiffre frise même les 40% dans certaines régions blanches et conservatrices du sud du pays.  

La guerre civile continue d'ailleurs d'être enseignée différemment en fonction des Etats (la Constitution américaine ne précise pas que l'éducation doit être de compétence fédérale et ce domaine relève à l'heure actuelle essentiellement du pouvoir de chaque Etat). Dans certains Etats démocrates du Nord, on apprend ainsi aux élèves  que « la question de l’esclavage a causé la sécession et la sécession a conduit à la guerre ». Dans d'autres Etats conservateurs du Sud, on préfère enseigner que les causes de la guerre étaient « le régionalisme, les droits des Etats et l'esclavage ». Le Texas a même inséré dans ses programmes l'étude du discours inaugural du Président des Etats Confédérés, Jefferson Davis, au même titre que les discours inauguraux d’Abraham Lincoln.

Obama surprenant des touristes au Mémorial
d'Abraham Lincoln le 9 avril à Washington (Photo White House)

Lincoln est souvent considéré par les historiens du Sud comme un tyran, de surcroît peu porté sur la religion. S'il bénéficie d'un meilleur accueil dans le Nord, son image demeure mitigée à gauche de l'échiquier politique et au sein de la communauté africaine-américaine. « C'était un homme du XIXè siècle et l’Amérique en 1860 était raciste, même dans le Nord », explique Harold Holzer, président de la Fondation du bicentenaire d’Abraham Lincoln. Lincoln défendait ainsi les libertés fondamentales de tout homme sans être forcément en faveur d’une égalité absolue entre les Blancs et les Noirs, par exemple sur le droit de vote. Il a cependant pris souvent ce genre de positions pour ne pas être taxé de radicalisme par ses adversaires politiques et pouvoir être élu Président.

Lincoln a su rester en tout cas la référence incontournable de la plupart des hôtes de la Maison Blanche, toutes tendances politiques confondues. Barack Obama, premier Président noir des Etats-Unis, ne cache pas son admiration pour le personnage et lui a même symboliquement emprunté sa Bible pour prêter serment en 2008.

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