vendredi 21 janvier 2011

La guerre des frères Reagan

Les premiers signes de la maladie d’Alzheimer avaient-ils fait leur apparition alors que Ronald Reagan était encore Président des Etats-Unis à une période charnière de l’histoire mondiale ? C’est toute la question qui oppose les deux fils de l’ancien chef d’Etat républicain, au moment où le pays s’apprête à célébrer le centième anniversaire de sa naissance.
D’un côté, on a Michael, l’aîné et le fidèle, adopté très jeune par Reagan et sa première femme. Cet homme de radio de 65 ans, fervent défenseur du reaganisme en tant que doctrine politique, ne cache pas son admiration pour le mouvement ultraconservateur du Tea Party et se dit certain que son père aurait fait pareil. De l'autre, Ron, le fils cadet biologique, au profil rebelle et atypique. A 52 ans, cet athéiste libéral (au sens américain du terme c’est-à-dire à gauche), ayant quitté la prestigieuse Université de Yale au bout d’un semestre pour devenir danseur de ballet et renoncé au mot « Junior » à la fin de son patronyme, est aujourd’hui intervenant sur la chaîne de télé progressiste MSNBC.
Ron est celui par qui le scandale arrive. Ou plutôt son livre, « My Father at 100 », publié en janvier, dans lequel il indique avoir remarqué que son père, Président des Etats-Unis de 1981 à 1989, montrait déjà des signes de perte de mémoire alors qu’il officiait encore dans le bureau ovale. « Ce n’était pas du genre: Oh mon Dieu il ne se rappelle plus qu’il est Président ! Mais plutôt le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond », rapporte Ron. Officiellement, c’est en 1994 que Reagan fut déclaré atteint de la maladie d’Alzheimer mais son fils cadet continue de penser que les symptômes s'étaient déclarés avant.

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Ron Reagan
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Il écrit même avoir commencé à s’alarmer dès 1984, lors du second débat présidentiel opposant Reagan au candidat démocrate de l’époque, Walter Mondale. D'après lui, son père se mélangeait les pinceaux en parlant, inversait ses notes, perdait ses mots de façon étrange, bref « il semblait fatigué et dérouté ». Ron précise n’avoir aucune preuve que quiconque ait été au courant de cet état de santé. Même pas le Président lui-même, qui aurait sinon « pris les mesures nécessaires » en renonçant à son poste. Ron assure que ces révélations ne visent pas à « ternir la réputation » de l’ex-chef d’Etat, décédé en 2004, mais à montrer que « lorsqu’on élit un président, on élit aussi un être humain avec toutes ses faiblesses ».
Des propos qui n’ont pas réussi à calmer son aîné qui dès la sortie du livre a réagi, furieux, sur Twitter : « Mon frère était une source d’embarras pour son père lorsqu’il était en vie. Il est aujourd’hui devenu une source d’embarras pour sa mère ». Pour Michael, le seul but de ces « accusations sans la moinde preuve » est de faire vendre des livres et de discréditer le « merveilleux travail accompli » par leur Président de père. Et quand on lui demande si Reagan aurait pu être atteint, à la fin de son mandat, ne serait-ce que de sénilité, il rétorque : « Regardez ce qu’il a accompli dans les quatre dernières années de sa présidence : Reykjavik, les accords S.T.A.R.T., son discours de Berlin le 12 juin 1987… Quelqu’un atteint de sénilité n’aurait pas réalisé toutes ces choses ». 
Animé d'une véritable dévotion pour son père adoptif, Michael a lui aussi publié un livre à l’occasion du centenaire, dont le titre reste plus qu'évocateur : « La nouvelle révolution Reagan : Comment les principes de Ronald Reagan peuvent restaurer la grandeur de l’Amérique ». De quoi opposer encore un peu plus les deux frères,  qui ne se répondent d'ailleurs plus que par médias interposés. Michael a dernièrement lancé, amer, que Ron n’avait même pas voté pour son propre père en 1984. Un coup bas qui prouve que famille et politique ne font pas toujours bon ménage.

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