mardi 11 janvier 2011

Touche pas à mon arme

La fusillade du 8 janvier en Arizona, qui a fait six morts et mis dans un état critique la parlementaire démocrate Gabrielle Giffords, a soulevé de véritables débats de fond à Washington : depuis l’impact des messages violents utilisés par les hommes politiques pour attaquer leurs adversaires jusqu’aux défaillances des conditions de sécurité des élus. Un sujet demeure cependant absent des discussions : la remise en cause du port d’armes.

Le lobby des armes reste si fort aux Etats-Unis et le droit à la détention d’armes si profondément ancré dans la société que ce sujet est devenu objet de consensus politique entre la droite et la gauche mais aussi au sein de la population. Les défenseurs des armes à feu n’hésitent d’ailleurs pas à brandir le deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis (adopté le 15 décembre 1791) qui prévoit: « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes ». Il y a peu d’espoir donc que cette nouvelle fusillade tragique fasse bouger les choses en la matière. La National Rifle Association (NRA), dont le but est de promouvoir les armes à feu aux Etats-Unis et de défendre une interprétation non-restrictive du deuxième amendement de la Constitution, n’a d’ailleurs même pas eu à faire de lobbying pour se protéger. Elle s’est contentée de publier une déclaration afin d'envoyer ses « pensées » et ses « prières » aux victimes de cette « tragédie insensée ». Et à une question du journal Politico de répondre qu’à « ce stade parler de tout autre chose que des prières pour les victimes et leurs familles serait inapproprié ».

Le message semble donc clair pour tous : la détention et le port d’armes n’entrent pas dans la discussion. Carolyn McCarthy, parlementaire démocrate de l’Etat de New York, ne compte cependant pas se résigner. Son propre mari a été tué par arme à feu dans un train de banlieue en 1993. Si elle sait qu’elle ne pourra pas renverser tout l’édifice, elle souhaiterait au moins un peu l’ébranler. McCarthy travaille ainsi sur un projet de loi visant à interdire la fabrication et la vente de chargeurs à forte capacité, comme celui utilisé par le tireur Jared Lee Loughner qui pouvait contenir jusqu’à 33 balles (contre une dizaine en temps normal). Frank Lautenberg, démocrate du New Jersey, défend également cette position et souligne que « la seule raison de disposer d’un magasin de 33 balles est de tuer beaucoup de gens très rapidement ». Les deux élus espèrent qu’après avoir été touché en son sein, le Congrès réfléchira à deux fois sur la question. Mais les analystes politiques les plus optimistes doutent que cette simple demande ne passe. La victime Gabrielle Giffords, touchée à la tête, est elle-même une partisane du port d’armes. Ce qui n’est pas étonnant pour une parlementaire venant d’Arizona, un Etat qui n’a cessé d’assouplir ses lois en la matière et est allé jusqu’à autoriser le port d’armes dans les bars et le port d'armes « dissimulées » sans permis.

Sarah Palin sur le grill

La carte qui embarrasse Sarah Palin 
La Chambre devrait adopter mercredi une résolution en l’honneur des victimes. A cette occasion, le démocrate de Pennsylvanie Robert Brady va proposer d’introduire une législation prévoyant que l’usage « d’un langage ou de symboles pouvant être perçus comme menaçant ou incitant à la violence contre un membre du Congrès ou un officiel fédéral » devienne un crime fédéral. Peu après la fusillade de samedi, des démocrates ont en effet pointé du doigt les messages agressifs déployés entre autres par les supporters du Tea Party durant la campagne pour les élections de mi-mandat. L’ancienne gouverneure d’Alaska, la républicaine Sarah Palin, a affronté une flambée de critiques concernant la fameuse carte des cibles à éliminer qu’elle avait publiée sur le site www.takebackthe20.com. La carte pointait dans un viseur de révolver une vingtaine de districts occupés par des démocrates (dont celui de Gabrielle Giffords) et que les républicains devaient récupérer. Palin n’a pas répondu immédiatement aux attaques de ses opposants et a publié sur son profil Facebook un message de condoléances aux familles des victimes. Mais dans la nuit de samedi à dimanche elle a discrètement fait disparaître de la circulation le site incriminé.

« Je comprends que ce site n’existe plus. C’est que quelqu’un doit se sentir un peu coupable », a réagi Brady. Alors que les médias relatent à n’en plus finir l’épisode Sarah Palin, constatant que la potentielle candidate aux élections présidentielles de 2012 arrive à un moment critique de sa carrière, les républicains crient à la récupération politique. Ils continuent de plaider que la fusillade était l’œuvre d’un fou et affirment que les démocrates utilisent également des propos violents dans leurs messages politiques. Le Président Barack Obama avait lui-même affirmé durant la dernière campagne que si ses adversaires sortaient des couteaux, lui et ses troupes sortiraient des revolvers… La proposition de Brady soulève également une autre interrogation : comment limiter les propos violents sans entraver le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, à savoir la liberté d’expression ?

Des élus mieux protégés

L’autre débat essentiel qui devrait être évoqué ce mercredi est lié à la sécurité des élus. Plusieurs propositions sont sur la table à ce stade. Le démocrate de l’Illinois Jesse Jackson Jr. demande par exemple de renoncer à la réduction de 5% du personnel de chaque parlementaire, voulue et votée par les républicains la semaine dernière. Il propose au contraire d’accroître de 10% le « staff » des députés afin d’y inclure plus d’agents de sécurité, notamment dans les circonscriptions. Parmi les républicains, le président de la commission sur la sécurité intérieure, Pete King (New York), l’un des rares de son parti à vouloir contrôler les armes, suggère de rendre illégal le port d’armes dans un périmètre de 300 mètres autour des membres du Congrès. Le républicain de l’Indiana, Dan Burton, demande de son côté d’installer une protection en plexiglass à l’intérieur de la Chambre afin d’empêcher que des membres du public ne lancent des projectiles.

Bref, autant de débats à attendre mercredi alors que Barack Obama sera en déplacement en Arizona.

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